Le bestiaire dans l’œuvre de guerre de Krzysztof Kamil Baczyński (1921-1944) : entre réalité et fiction
Katarzyna Jopa, Le bestiaire dans l’œuvre de guerre de Krzysztof Kamil Baczyński (1921-1944) : entre réalité et fiction, «Bibliomanie. Letterature, storiografie, semiotiche», 57, no. 6, giugno 2024, doi:10.48276/issn.2280-8833.11273
Introduction
La Seconde Guerre mondiale a fait naître de nombreuses œuvres littéraires, accordant une place importante au sort des individus et aux comportements qu’ils devaient adopter afin d’essayer de survivre à cette période sombre de l’Histoire. Face à la violence de la guerre, les frontières de l’humanité se voient repoussées. L’homme se retrouve confronté à sa propre bestialité (ce qui, par définition, l’assimile à une bête) ainsi qu’à celle des autres, comme le montre le poète et dessinateur polonais Krzysztof Kamil Baczyński (1921-1944), mort tragiquement et prématurément dans la lutte contre l’occupant nazi à l’âge de 23 ans. C’est de ce poète, le plus connu de ceux de la « Génération des Colomb » disparus pendant la guerre1, dont nous proposons d’étudier l’œuvre lyrique et plastique sous l’angle de l’animalité.
Sous la plume et le pinceau de Baczyński, la notion d’animalité ne renvoie pas seulement à l’humanité malmenée de l’homme face aux situations extrêmes qu’engendre la guerre. En pareille situation, les comportements adoptés peuvent être représentés sous l’apparence d’animaux animés par l’instinct de survie. Toutefois, Baczyński a un rapport infiniment plus complexe avec les animaux. Cet article entend donc expliquer les différentes modalités de la présence animale au sein de son œuvre.
Il convient de remarquer que plusieurs sources d’inspiration se superposent dans la représentation des animaux qui peuplent l’œuvre du poète. Pour démêler et saisir ces inspirations, il nous faut mettre en perspective la biographie du poète ainsi que les liens intertextuels de la poésie de Baczyński. En effet, le poète lit beaucoup, traduit parfois, et cite en épigraphe de certains de ses poèmes des auteurs dont les travaux sont marqués par les rêveries animales. Ainsi, au travers de ces prismes biographique et intertextuel, il nous faudrait suivre « la trajectoire » d’une image ou d’un nom d’espèce animale qu’évoquent les poèmes et les illustrations de Baczyński.
Ainsi notre étude porte-t-elle sur la présence et la signification symbolique des animaux dans l’imaginaire de cet auteur polonais marqué par la guerre, dans toute leur complexité et leur diversité. Le poète façonne un véritable bestiaire qui se dessine dans la Varsovie occupée par les nazis. Comment faut-il comprendre, lire et interpréter cette présence animale dans la poésie et les travaux d’art plastique de Baczyński, créés en grande majorité au cœur de la Seconde Guerre mondiale ? Précisons d’emblée que notre corpus prétendra à la représentativité et non à l’exhaustivité, en raison du nombre très important d’apparitions de motifs animaliers dans l’œuvre de celui qui avait pour pseudonyme Jan Bugaj.
Repères biographiques et historiques
Krzysztof Kamil Baczyński, pourtant l’un des principaux poètes de la littérature polonaise du XXe siècle, reste mal connu en France, probablement parce qu’une partie importante de son travail n’a jamais été traduite et reste donc inaccessible à un public d’expression française2. En outre, il existe peu d’études de son œuvre accessibles aux lecteurs français. Compte tenu de ce qui précède, il convient de commencer par rappeler certains faits de la vie de l’artiste qui ont eu un retentissement, affectif et intellectuel, sur sa pensée et sur son art.
Né à Varsovie, sur la rive gauche de la Vistule, le 22 janvier 1921, Krzysztof Kamil Baczyński (alias Jan Bugaj3) appartient à la première génération de jeunes individus venus au monde et ayant grandi dans une Pologne libre, après plus d’un siècle d’inexistence du pays sur la carte de l’Europe4. Alors qu’ils sont censés découvrir une Pologne nouvelle, indépendante, la Seconde Guerre mondiale devient pour eux une expérience traumatisante et générationnelle. Ces jeunes gens, à peine franchi le seuil de l’âge adulte, sentent déjà l’ombre de la mort qui plane sur eux. On les connaît sous le nom de la « Génération des Colomb » qui vient du titre du roman de Roman Bratny (lui-même l’un des Colomb), lequel porte sur l’insurrection de Varsovie : Les Colomb. Année 20 (Kolumbowie. Rocznik 20).
Baczyński est le fils de l’écrivain et critique littéraire Stanisław Baczyński et de l’enseignante et auteure de manuels scolaires Stefania Baczyńska, née Zieleńczyk. À peine âgé de quinze ans, il manifeste son talent poétique dans son premier poème « Wypadek przy pracy » [« Accident au travail »], mais ne commence à écrire de façon soutenue qu’à partir de l’année 1938. Alors que le jeune Krzysztof rêve d’étudier les arts graphiques à l’Académie des Beaux-arts de Varsovie, la guerre se met en travers de son chemin. Il a toutefois l’occasion de commencer des études artistiques dans la capitale polonaise, à l’École municipale des arts décoratifs et de la peinture (Miejska Szkoła Sztuk Zdobniczych i Malarstwa)5. Il étudie aussi clandestinement la philologie polonaise à l’Université de Varsovie (Uniwersytet Warszawski) et coédite le mensuel littéraire clandestin Droga (La Route). Il est alors utile de rappeler que, durant l’Occupation, écrire, lire, imprimer ou diffuser des textes interdits faisait courir les plus grands risques.
Le contexte sociopolitique, à savoir celui de la guerre et de l’occupation allemande, est l’un des deux éléments majeurs qui ont joué un rôle prépondérant dans la vie et dans l’œuvre du poète. Son amour juvénile naissant sous l’occupation allemande en est un autre. Pour beaucoup6, la poésie de Baczyński est indissociable de son engagement politique, et en particulier de son activité de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Les strophes de Baczyński qui appellent à prendre les armes7 inscrivent le poète dans la lignée de la poésie tyrtéenne8des auteurs romantiques polonais9. S’y dévoile l’une des fonctions que le poète confère à sa poésie, à savoir celle de mobiliser le peuple polonais pour lutter contre l’occupant nazi. À l’été 1943, il choisit de s’engager dans l’Armée de l’intérieur (Armia Krajowa) polonaise, décision qui le conduit vers une mort tragique et précoce. En effet, un an plus tard, à seulement vingt-trois ans, il périt dans la lutte contre l’occupant nazi, l’arme à la main, sur les barricades de l’insurrection de Varsovie.
De nos jours, l’insurrection de Varsovie (débutée le 1eraoût 1944 et matée le 2 octobre 1944) compte parmi les évènements les plus importants de l’histoire contemporaine de la Pologne. Au regard des énormes pertes, tant pour la ville que pour la population civile, l’échec de l’insurrection est souvent débattu. Baczyński est alors évoqué dans ces discussions comme un symbole du gâchis humain du soulèvement ou du sacrifice de sa génération. Selon Stanisław Pigoń, historien de la littérature polonaise: « Nous [les Polonais] appartenons à une nation dont le destin est de tirer sur l’ennemi avec ses joyaux »10.
Maître des eaux
Avant le déclenchement de la guerre, Baczyński part souvent en vacances d’été curatives, en Pologne comme à l’étranger, pour améliorer sa santé fragile. Le poète souffre en effet d’asthme 11. Les cures se tiennent dans des lieux reconnus, pour la plupart, pour leurs vertus bienfaisantes, et qui sont situés aux abords de fleuves, rivières, lacs ou mers. Rien d’étonnant, donc, à retrouver, dans nombre de ses vers, un imaginaire nourri de l’imagerie des règnes végétal et animal qu’il a l’occasion d’observer. Le poète est un homme proche de la nature et – comme nous allons le voir – des animaux.
Précisons ici que le thème de l’animalité dans l’œuvre baczyńskienne se présente comme le prolongement de notre thèse de doctorat en cours d’achèvement, consacrée à la lecture bachelardienne de l’œuvre de Baczyński12. Selon notre thèse, sa rêverie poétique se déploie au contact d’un « élément » naturel particulier: l’eau, ce qui nous renvoie à l’héritage de la philosophie esthétique de Gaston Bachelard, selon lequel l’œuvre de chaque grand poète est marquée par un des quatre éléments (feu, eau, air ou terre). L’eau est donc la substance de son « imagination matérielle »13, donnant consistance à ses rêveries et nourrissant sans fin sa créativité.
Pour autant, le bestiaire poétique baczyńskien ne se réduit pas aux espèces aquatiques. L’eau, source de vie, à travers l’abreuvoir, fait aussi vivre dans la poésie baczyńskienne le bestiaire terrestre et aérien. Il s’agit donc d’un bestiaire hétéroclite, qui dévoile un univers fabuleux, mais aussi réaliste.
L’humain bestial
Les vers baczyńskiens, composés au plus fort de la guerre, baignent dans une atmosphère de violence et de mort. En lisant le poème « Pour la liberté » (« O wolność ») du 20 avril 1943, le lecteur remarque que l’imaginaire baczyńskien est envahi à cette époque par les images de combats d’animaux sauvages en rut, dont la lutte peut aller jusqu’à la mort de l’adversaire. C’est l’image de la guerre, où le désir aveugle de l’anéantissement mutuel régit les relations humaines14:
Les animaux se réveillèrent en nous
et les âmes laitières s’éveillent.
Le jour, nous ressemblons à de mauvais hommes,
la nuit, aux animaux brûlant de souffrance,
puis encore aux bêtes hurlantes en rut,
et encore aux épines dans nos yeux humains ;
comme nous sommes partagés, tourmentés et tendres,
nous sentons nos corps, si lourds, nous peser.
Dans le ciel – une douce bataille de nuages,
sur la terre – un craquement d’os et d’acier15.
Terrifié devant l’inhumanité absolue, l’impensable des crimes nazis, Baczyński interroge la bestialité et la férocité de l’homme. Dans cet univers dominé par la violence de l’ennemi, qui prive l’homme de ses droits à la vie et à la liberté, l’instinct de survie fait réveiller en l’homme son animalité. Celle-ci prend le dessus sur ses principes, sa morale, et le rend ainsi capable de tuer. Baczyński aborde les mécanismes psychologiques que l’individu met en œuvre face aux situations extrêmes durant la guerre.
Ces vers semblent chercher à expliquer les actes de guerre par le dualisme de l’homme. Ce dualisme renvoie d’abord à la distinction établie entre le corps et l’âme, dont le rapport s’organise dans l’axe vertical terre-ciel: le corps « pèse » et attire l’homme vers la terre marquée par la guerre et la mort que représente « un craquement d’os et d’acier »16, tandis que l’âme invite à un mouvement d’allégement et d’élévation vers le ciel. Toutefois, le dualisme dont il est question relève aussi de la présence de deux principes antagonistes, le Bien et le Mal, en lutte constante l’un contre l’autre. Ce sont ses côtés animal et humain qui se réveillent tour à tour en sujet lyrique vis-à-vis des actes de guerre commis par et contre l’humanité. Baczyński, en quelques vers, réussit à faire l’histoire de l’immense combat entre le bien et le mal.
Jerzy Święch, critique de l’œuvre baczyńskienne, remarque à ce propos :
La guerre est un terrain où s’affrontent deux éléments : le bien et le mal. […] C’est la guerre qui éveille les puissances du Bien et du Mal chez l’homme, faisant de lui la victime d’un antagonisme auquel conduisent inévitablement deux passions endormies en lui, deux instincts éternellement en contradiction l’un avec l’autre 17.
En ce sens, l’homme est continuellement face au choix. Un choix que Baczyński a, par ailleurs, dû effectuer avant de s’engager dans l’armée pour lutter contre l’occupant nazi. Il a dû faire face à un dilemme moral, entre nécessité et refus de tuer, entre son devoir envers sa patrie et la fidélité à ses valeurs morales qui lui interdisent de tuer18.
Le poème analysé se termine par ces vers :
emportés par l’obscurité hurlante du feu
comme les animaux, qui rêvent derrière les barreaux,
dont aucun temps ne peut vaincre les désirs19.
Les hommes sont ici comparés à des animaux enfermés derrière les barreaux, qui ne renoncent pas à leurs rêves de liberté, ce qui est une allusion claire au sort des détenus des nazis.
Baczyński reprend le même thème des animaux en captivité dans le poème « Lion en cage » (« Lew w klatce ») du 15 octobre 1941 :
Nuage de grêle rouge – enfermé
sous la forme d’un félin épuisé,
en bâillant, il expire sa tristesse
d’un paysage de rose et d’or.
Puis il ferme les yeux ; sa mémoire
le plonge dans ses regrets fauves
et ses pupilles enregistrent lentement
les gens autour et leurs ombres20.
Ces vers témoignent d’une profonde empathie éprouvée par le poète à l’égard des animaux, et par extension à l’égard de tous les êtres vivants, privés de leur liberté. Baczyński, en retranscrivant les sentiments d’un animal en captivité, semble vouloir nous parler aussi des sentiments d’un homme emprisonné par les forces nazies. C’est un lyrisme très personnel qui se révèle ici.
On se doit de préciser que d’autres chercheurs21 ont déjà fait remarquer la parenté qui existe entre ce poème et « La panthère » (« Der Panther ») du grand poète de langue allemande Rainer Maria Rilke. Cette ressemblance se manifeste par le choix du même sujet: les deux poèmes font le portrait d’un félin condamné à la vie en captivité, et peuvent s’interpréter comme « le chant du prisonnier »22
.
Ontologie animale
Il est probable que la rencontre avec l’œuvre de Rilke – dont Baczyński fut un grand lecteur23 – a eu un impact sur l’ontologie animale du poète polonais, car celle-ci se rapproche de l’ontologie de l’auteur de « La Panthère », comme l’a déjà signalé Święch24.
Rilke écrit, dans une lettre du 25 février 1926, ces lignes :
le degré de conscience de l’animal place celui-ci dans le monde sans qu’il ait besoin, comme nous, de constamment se le poser en vis-à-vis ; l’animal est dans le monde ; nous autres, nous nous tenons devant lui, du fait de la singulière tournure et élévation qu’a prise notre conscience25.
Ainsi, d’après l’ontologie rilkéenne, l’animal est « dans le monde », à l’opposé de l’homme qui se tient « devant lui ». Comme nous l’explique le professeur de philosophie Jean-François Mattéi, Heidegger – qui propose une lecture critique des écrits de Rilke26 à laquelle nous allons revenir – met au centre de ses analyses ontologiques le concept de l’« être-au-monde », et considère que :
la dimension de l’animalitas comme celle de l’humanitas sont dépendantes de la structure première de l’in-der-welt-sein, de l’« être-au-monde », et que toute interprétation vitaliste de la « vie », qu’elle soit romantique ou biologique, repose préalablement sur une interprétation de l’étant, qu’il soit animal ou humain, comme zoé et phusis27.
D’après la lecture heideggérienne de Rilke, ainsi que le rapporte Mattéi, l’ontologie animale rilkéenne reconnaît que la créature animale subit passivement le flux de vie permanent et inconscient28. De surcroît, elle « oppose le monde animal à l’homme privé de monde parce qu’il s’est arraché au flux naturel de la vie »29.
Dans le contexte qui nous intéresse, à savoir l’ontologie animale de Rilke, on peut constater que, selon ce dernier, l’animal est un être supérieur à l’homme, puisqu’il est insensible aux vicissitudes de l’Histoire, en raison de son bas degré de conscience.
Parmi les poèmes baczyńskiens qui illustrent cette ontologie animale de Rilke, nous pouvons mentionner le poème « Chiens » (« Psy »), composé à la fin de février 1941. En voici un extrait :
Qui aimes-tu en aimant les chiens de bord de route,
en marchant dans les rues brûlées par le vent,
figé aux vitres avec des yeux mouillés de larmes ?
[…]
Leurs visages restent paisibles, velus
de poils – de sédiments – d’amour éternel,
quand tu frappes aveuglément avec tes mains comme des avirons
dans l’image hostile du ciel et de la terre, du monde.
Lance, lance la magie des roues tourbillonnantes,
lève tes mains pour le pouvoir de leurs pattes,
blottis-toi dans leur fourrure amicale et vogue
à travers les côtes d’antan couvertes de crânes30.
C’est tout un tableau de valeurs inchangées (face à l’effondrement des normes morales régissant les relations humaines à la veille de la guerre) qui se présentent ici grâce à la figure du chien qui les incarne. Ce dernier reste inébranlable devant les aléas de l’Histoire. Dans le monde de la guerre, où la barbarie nazie a mis à mal les valeurs humaines qui avaient cours jusqu’en septembre 1939, le chien symbolise un refuge pour l’homme. Il représente la stabilité, la permanence, en conservant le même comportement envers son maître: il lui apporte son amour, sa loyauté, sa sérénité. Ainsi, la fourrure du chien, sur le plan symbolique, est un abri pour l’homme tourmenté, dans ce monde hostile en guerre. Souffrant de sa lucidité, qui le rend conscient de l’hostilité de la réalité dans laquelle il vit et qui détruit ses illusions, le sujet lyrique semble exprimer tout ce que pouvait éprouver Baczyński: la tristesse, l’amertume, le désillusionnement sur son sort et sur la nature humaine capable de commettre un génocide.
Notons que les chiens apparaissent dans d’autres poèmes de Baczyński dans lesquels ils deviennent de fidèles compagnons de l’homme31 (« Z psem » [« Avec mon chien »]), sont capables de « déchiqueter » les chagrins32 (« Wiersz o późnej jesieni » [« Poème sur la fin de l’automne »]) ou encore ressentent la mort de l’homme s’approcher33 (« Pieśń żałobna » [« Chant funèbre »]). Leurs comportements contrastent avec l’hostilité des individus en temps de guerre. Ces vers amorcent une réflexion sur le fondement de l’humanité qui s’oppose à la barbarie. C’est une idée morale de l’humanité qui sous-tend ces rêveries animales.
Récurrente dans les poèmes de Baczyński, la figure du chien apparaît également dans plusieurs de ses travaux d’art plastique. Les chiens doivent sans doute leur forte présence dans son imaginaire poétique et pictural au fait qu’ils l’ont accompagné dès son plus jeune âge. Figurant sur plusieurs photographies familiales des Baczyński du début des années 1930, le premier chien de l’artiste était le terrier Fred34. Son second fidèle compagnon était le teckel à poil long Dan35, auquel Baczyński a dédié son poème « Avec mon chien » (« Z psem »), et qui a été immortalisé à travers toute une série de portraits au crayon de couleur, accompagnés de commentaires amusants36. Traduisant une relation d’affection qui unit l’homme et le chien, les vers baczyńskiens puisent donc dans la vie de l’auteur, et dans son attachement personnel pour ses compagnons à quatre pattes.
Poète et oiseau
L’oiseau est un autre animal qui a une place essentielle dans l’univers imaginaire de Baczyński. Si le poète le privilégie, c’est parce qu’il incarne, par sa capacité de vol, un idéal de légèreté et de liberté ; autrement dit, il est l’antithèse de la lourdeur et de la captivité.
Baczyński utilise un oiseau en verre dans le poème homonyme – que l’auteur qualifie de conte dans son commentaire au poème37 – pour mettre en scène le pouvoir libérateur du chant de l’oiseau. Notons par ailleurs que le verre, représentant symboliquement la fragilité, évoque la brièveté de la vie. Cela fait écho à la vie de Baczyński, qui, à l’époque de la composition de ce texte, frôle la mort tous les jours. Résumons succinctement la trame principale de ce « conte ». Le héros, qui s’appelle Miłun, doit lever un maléfice qu’on a jeté à sa terre. Il dit adieu à sa bien-aimée Lela et s’embarque pour un long périple vers un pays lointain. Malgré ses mésaventures, il arrive à destination. Les habitants lui offrent un oiseau en verre magique qui, par son chant, pourra désenchanter le cœur de la terre. De retour de son voyage, Miłun apprend que des géants primitifs ont pris le contrôle de sa terre. L’un d’eux attrape l’oiseau en verre et le brise. L’oiseau meurt. Par désespoir, Miłun se transforme en mélèze, grand arbre ondulant comme l’eau. La nuit, le fantôme brûlant émet un mi-cri, mi-chant sanglant, jusqu’à ce que, tel un Phénix, il renaisse de ses cendres.
Outre la liberté, l’oiseau en verre chantant symbolise le poète. Rappelons que la poésie, l’une des plus anciennes formes littéraires, avant l’apparition de l’écriture, sert à la transmission orale des textes38. Sa mélodie, appuyée sur la régularité du rythme, des rimes, aide le travail de mémoire. Dès ses origines, elle est ainsi associée à la musique39. Dans la mythologie grecque, le poète Orphée accompagne ses vers des sons de sa lyre. Sans oublier que les aèdes, en Grèce antique, chantent des épopées avec l’accompagnement d’un instrument de musique40.
Ainsi, l’oiseau en verre, dont le chant pouvait sauver le pays de Miłun, semble représenter le poète, dont les vers sont capables de mobiliser le peuple contre l’oppression allemande. De surcroît, la voix de l’oiseau (ou celle de Miłun qui reprendrait son chant) continue de se propager après sa mort.
Ce motif de l’oiseau, emblème ou métaphore de la création poétique dans le poème « L’Oiseau en verre » (« Szklany ptak »), fait écho à Horace qui, dans l’« Ode », II, 20 se métamorphose en cygne et accorde à son œuvre l’immortalité. De nombreux autres poètes rapprochent l’oiseau du poète, à l’instar de Baudelaire, qui, dans « L’Albatros », compare l’artiste à l’oiseau éponyme. Baczyński étudie et traduit en polonais Horace et Baudelaire, mais il est probable qu’il s’agit là d’une rencontre fortuite dans cette représentation avienne du poète.
L’un des travaux d’art plastique de Baczyński semble reprendre cette idée du lien symbolique qui relie le poète avec l’oiseau. Il s’agit de l’aquarelle intitulée « Poète » (« Poeta ») 41 qui représente ce dernier assis derrière son bureau. À travers son tableau, l’artiste nous laisse entrer dans son espace de travail. Nous avons l’impression de franchir le seuil de son appartement varsovien. On y voit le poète avec sa plume à la main, plongé dans ses pensées et concentré sur son travail d’écriture. La pièce est rangée. La fenêtre ouverte laisse entrer un peu de lumière ainsi qu’une nuée des colombes qui tournent autour du poète. Parmi elles… un poisson qui vogue dans l’air. Au vu des précisions apportées auparavant (cf. la partie « Maître des eaux »), il n’est pas surprenant de voir un tel animal dans ce tableau, car l’eau – dont le poisson est un symbole – représente l’élément fondamental de l’univers imaginaire baczyńskien42.
La plume, elle, désigne par métonymie à la fois le poète et l’oiseau, c’est leur outil commun de liberté. La plume de l’oiseau l’aide à voler, celle du poète lui permet d’écrire. Écrire a tout d’un acte libérateur, mais la plume est aussi le symbole de la légèreté. Le tableau peut être interprété comme une représentation de la volonté du poète de s’alléger de la pesanteur terrestre. Il cherche à s’affranchir d’une sorte de poids existentiel afin d’atteindre une paix intérieure. Traditionnellement, en effet, la colombe annonce la paix. L’oiseau est une invitation à prendre son envol vers d’autres horizons. Le poète semble vouloir s’envoler, tel un oiseau, et voir le monde d’en haut, afin d’accéder à une vue d’ensemble de son existence. Contemplant sa situation, il pourrait ainsi prendre des décisions en pleine conscience, réfléchies. Quant au poisson, symbolisant les profondeurs de l’inconscient 43, il invite à regarder à l’intérieur de soi, à voguer vers plus d’apaisement.
Le tableau n’est pas daté, mais il remonte probablement aux premières années de guerre, lorsque Baczyński, effaré par la cruauté de l’occupation nazie dans son pays, cherche un refuge dans ses rêveries poétiques. Comme il l’avoue lui-même dans ses commentaires aux poèmes, il écrit à cette époque « dans un état de torpeur constant »44, tandis que ses textes de cette période « [sont] des moments d’évasion et de sérénité ; ils [sont] vivifiants, car ils [enlèvent] – lors de ce bref moment de création – le poids qui [pèse] sur les épaules de l’auteur »45.
C’est probablement pour cette raison que, parmi les poèmes de Baczyński écrits dans la tourmente guerrière, nous retrouvons de nombreux textes consacrés aux fugaces moments de bonheur, par exemple l’observation des oiseaux, comme en témoigne cet extrait du poème intitulé « Moineaux » (« Wróble ») du 2 janvier 1943 :
Une journée de moineaux et de luminosité !
Dans des cruches de petits oiseaux,
empli d’amour, le monde s’arrête
avec une grâce insouciante.
À portée de main,
j’ai leur pureté, leurs corps duveteux,
c’est comme si je touchais ton corps
[…]
tu fermes les yeux, tu les couvres,
tes petites plumes, tu les réchauffes dans ta lueur
[…]
d’une voix de moineaux, tu me répondras
[…] – ma petite46.
Rarement dans la poésie baczyńskienne peut-on lire un tel moment de pure joie. Sa source est l’observation des oiseaux, dont le poète rend compte en quatre quatrains. Le sujet lyrique se réjouit tel un enfant, en épiant les moineaux qui s’amusent et en s’émerveillant de leurs mouvements gracieux. Le tourment de la guerre s’arrête, faisant place à la sérénité retrouvée au contact de ces créatures. De cette observation des moineaux qui se meuvent avec grâce naît une réflexion qui fait l’éloge de la douceur des gestes de sa bien-aimée. Cette remarque n’est pas sans intérêt, car ailleurs, dans le poème « Magie blanche » (« Biała magia ») du 4 janvier 1942, on observe un rapprochement similaire entre les gestes sensuels de sa femme et les mouvements des animaux présents ; nous y reviendrons.
La vitalité animale inspire au poète des vers dont émanent la joie et la quiétude, mais, en fin de compte, même cela ne pourra pas lui faire oublier complètement l’horreur de la guerre. Les deux dernières strophes du poème (un distique suivi d’un tercet), qui se distinguent d’emblée sur le plan formel de la suite des quatre quatrains précédents, brisent ce moment de joie. Elles nous apprennent que les hommes, à l’opposé des oiseaux, ne peuvent plus éprouver une pure joie, car ils ont des « cœurs ténébreux »47 et portent l’empreinte du mal. L’opposition de l’oiseau et de l’homme, qui est en fait l’opposition de la sérénité émanant de la faune et une sombre réalité guerrière, termine ce poème gai par une conclusion pessimiste.
Les animaux dans l’univers merveilleux baczyńskien
Revenons encore à l’utilisation de la convention du conte par Baczyński, grand admirateur des contes d’Andersen48, qui relève chez le poète d’une pratique récurrente49. Nous avons commencé à aborder ce thème en analysant les poèmes « Oiseau en verre » (« Szklany ptak ») et « Magie blanche » (« Biała magia »). Baczyński semble s’en servir comme une opportunité d’affronter le Mal, car dans le conte merveilleux, c’est très souvent le Bien qui finit par triompher50.
Dans plusieurs poèmes baczyńskiens nous retrouvons un monde merveilleux où vivent des animaux surnaturels, un monde dans lequel la magie existe. Rappelons que, dans « Oiseau en verre » (« Szklany ptak »), l’auteur met en scène un héros qui doit affronter le mal. Pour remplir sa mission, il doit surmonter de nombreuses épreuves. Seul le chant d’un oiseau en verre, symbole du poète, pourrait rompre le mauvais sort qui s’est abattu sur la terre du héros. Le texte tient donc du merveilleux (« terme qui revient dans toutes les définitions du genre51 [du conte] »), que l’auteur met en œuvre au gré de sa fantaisie.
Revêtus d’une valeur symbolique, les animaux appartenant à l’univers magique baczyńskien apparaissent dans d’autres textes, tels que le poème « Magie blanche » (« Biała magia »), déjà évoqué, et dans lequel l’auteur semble se servir de la magie éponyme pour dépasser l’horreur de la guerre. Reprenons ce poème, l’un des plus célèbres de la poésie baczyńskienne, afin d’y observer de plus près la symbolique animale.
Le poème met en scène une femme – du nom de Barbara, celui que porte l’épouse du poète – se brossant ou se détachant les cheveux. Son corps est comparé à une amphore qui se remplit progressivement :
Debout, face au miroir du silence
Barbara, les mains dans ses cheveux,
verse [dans] son corps de verre
les gouttelettes d’argent de sa voix.
Comme une amphore, elle s’emplit
de lumière et, cristalline, elle accueille
en son sein des étoiles
et la blanche poussière de lune52.
De plus, l’érotisme du moment, saisi par le poète au moyen de la parole poétique, s’exprime pleinement à travers la symbolique animale. Les animaux sont présentés en mouvement, se faufilant par-ci, par-là :
Par le prisme frissonnant de son corps,
dans une musique de blanches étincelles,
les belettes iront se faufilant
***
un ruisseau de souris s’écoulera
comme une avalanche de rumeurs
***
Barbara a bel et bien un corps d’argent.
[…]
s’étire en lui, tout doucement,
la blanche belette du silence53.
Le « cortège » d’animaux souligne la tension charnelle qui se crée entre les deux amoureux. Le corps de la femme frissonne. La métaphore « s’étire en lui, tout doucement, la blanche belette du silence » est particulièrement significative, car la belette a une signification phallique : elle symbolise la lubricité54. De surcroît, dans le langage populaire, les femmes gracieuses, fragiles et coquines, sont comparées aux souris55 qui, elles aussi, ont trouvé leur place dans ces vers baczyńskiens. Ainsi, les animaux traduisent la passion qui s’éveille en l’héroïne.
L’amour entre Barbara et le poète, qui ne se limite pas à l’amour charnel, est un remède pour ce dernier à la cruauté omniprésente. Comme il sied à la convention du conte, les forces du mal ont été annihilées par la magie de l’amour dans ce poème.
Baczyński n’a de cesse de chercher du réconfort en cette période de guerre. Il puise dans sa force créatrice et investit dans la magie de sa parole poétique pour voyager dans des contrées imaginaires. Cependant, la frontière entre le rêve merveilleux et la sombre réalité s’estompe souvent. Cela se manifeste déjà fortement au travers des rêveries animales du poème « Madrigal » (« Madrygał ») de 1940, qui s’ouvre par une apostrophe à la faune :
Ô ma faune : bêtes douces
des continents repus et des îles de maïolique.
Vous arrivez déjà, blancs éléphants de tristesse
et vous rossignols bourdonnants des poèmes à venir.
Caravanes de chameaux, vous bercez le paysage
de tous les siècles traversés, déserts morts.
Vous engendrez des prophètes inconnus. Ô serpents
de mon effroi enroulés à la gorge56
Le poème, trop long pour le citer en entier, se termine ainsi :
j’attends dans un paradis brûlé
toi, faune, et elle, ève perdue57.
À la lecture de ces vers, nous remarquons que Baczyński a trouvé dans les symboles animaliers la façon de traduire ses sentiments et ses pensées. Nous avons les « bêtes douces » et les « îles de maïolique » d’une part, et les « éléphants de tristesse » et les « déserts morts » de l’autre. D’un côté, la convention du conte, sous la plume baczyńskienne, montre une face sombre et oppressante : les serpents enroulés autour du cou font penser aux cordes formant des nœuds de pendu. De l’autre côté, les « bêtes douces » renvoient à un monde imaginaire paisible et serein. En fait, les images animalières, qui s’appuient sur la dialectique de la joie et de la tristesse, de la vie et de la mort, mettent en évidence l’existence de deux mondes opposés : celui des rêveries insouciantes et celui des mécanismes impitoyables de l’Histoire. Les derniers vers nous apprennent en effet que le monde dans lequel vit le sujet lyrique est un « paradis brûlé ». Par cette expression, il exprime la nostalgie d’un paradis perdu, celui, probablement, pour le poète, du monde qui était le sien avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale. Cette nostalgie surgit certainement de la déception du présent marqué par la bestialité des hommes.
Entraînant la tristesse et l’angoisse, le chaos extérieur de la guerre pénètre aussi dans la contrée merveilleuse baczyńskienne dans le poème « Légende » (« Legenda ») du 21 février 1942. Dans l’image des « minuscules archipels »58 , où « chantent les poissons ailés »59 et « errent les autruches dorées »60, se faufilent « le ciel de tristesse »61 et les cadavres.
Signalons également que Baczyński est aussi l’auteur des « contes de la tristesse »62 – pour reprendre l’expression utilisée par le poète lui-même – intitulés « Maelibe », qui est le nom du faon mis en scène dans le premier de ces contes. D’ailleurs, un faon ou une biche apparaît dans plusieurs de ses travaux d’art plastique. Parfois, l’animal est accompagné d’une jeune fille nue, dont le corps est baigné par le clair de lune. Enfin, dans d’autres vers baczyńskiens, nous retrouvons entre autres une « biche en larmes de rubis »63, ou encore une « biche d’une idylle transparente » 64 qui finit par s’envoler. Elle est l’habitante d’un monde idyllique qui s’avère n’être qu’une illusion créée par le poète dont la patrie s’écroule sous les bombardements nazis.
Conclusion
Cette étude nous a permis de confirmer la présence d’un bestiaire hétéroclite au sein de l’œuvre baczyńskienne. S’esquissant sous la plume et le pinceau de Baczyński, les rêveries animales revêtent plusieurs fonctions. Certaines mettent en évidence, par un jeu d’analogie ou de superposition, les traits de la nature humaine quand d’autres permettent au poète en détresse de s’emparer de la vitalité animale. D’autres encore évoquent le paradis perdu, éveillant la nostalgie. Ces rêveries, à la fois fabuleuses et réalistes, sont également une source de réflexion sur le rôle du poète. Elles mettent en scène des animaux dont la charge symbolique puissante signale un véritable pouvoir évocateur ; ces animaux s’emparent et chantent les valeurs qui semblent, pour Baczyński, déserter le monde. Elles permettent même de faire l’éloge de la beauté de la femme en mettant en parallèle l’apparence de celle-ci et celle des animaux.
Baczyński n’est pas qu’un simple admirateur de la faune. À travers ses rêveries animales, il se mêle aux débats philosophiques de son temps, et qui restent parfois les nôtres, notamment au début de ce troisième millénaire marqué par les guerres.
Note
- BEAUVOIS Daniel, BEREŚ Stanisław, DELMAIRE Jean-Marie et al. (dir.), 1991, Poètes de l’Apocalypse. Anthologie de poésie en polonais, hébreu et yiddish (1939-1945), Presse Universitaire de Lille, p. 131.
- Rappelons que, dans l’état actuel, l’œuvre poétique de Baczyński comprend environ 500 poèmes, dont presque 150 ont été rendus accessibles au lecteur francophone notamment par des traductions de Claude-Henry du Bord et Christophe Jezewski, que l’on retrouve dans ces deux anthologies : Krzysztof Kamil Baczyński. L’Insurrection angélique, Éditions Le Cri, IN’HUI, Bruxelles, 2004 et K. K. Baczyński. Testament de feu, Éditions Arfuyen, Paris-Orbey, 2006. En outre, Baczyński est l’auteur de 20 récits (certains inachevés), d’un drame sans titre (inachevé) et d’un roman (également inachevé) intitulé Cudowne przygody pana Pinzla rudego [Aventures fantastiques du Monsieur Pinzel le Roux], lequel a été retrouvé tout récemment, en 2018.
- Ces repères biographiques et historiques ont été établis principalement à partir de :
KALIŃSKI, Dariusz : Bilans krzywd. Jak naprawdę wyglądała niemiecka okupacja Polski?, [Bilan des crimes. Comment s’est passé l’occupation allemande en Pologne ?], CiekawostkiHistoryczne.pl, Cracovie, 2018 ; BEAUVOIS D., BEREŚ S., DELMAIRE J. M., LAURENT M. : Poètes de l’Apocalypse. Anthologie de poésie en polonais, hébreu et yiddish (1939-1945), Presses universitaires du Septentrion, 1991 ; BUDZYŃSKI, Wiesław : Warszawa Baczyńskiego [La Varsovie de Baczyński], Noir sur Blanc, Varsovie, 2004. - Certaines formes d’autonomie limitée ont pu être préservées, notamment dans la première partie du XIXe siècle, à travers le duché de Varsovie puis le Royaume du Congrès.
- BUDZYŃSKI, Wiesław : Warszawa Baczyńskiego, op. cit., p. 66.
- Voir par exemple BUDZYŃSKI, Wiesław : Baczyński uszlachetnia [Baczyński ennoblit], Wojskowy Instytut Wydawniczy, Varsovie, 2021.
- BUDZYŃSKI, Wiesław : Baczyński uszlachetnia, op. cit., p. 245.
- Le poète Tyrtée de Sparte grâce à ses chants, menait les troupes spartiates à la victoire, [lien consulté le 22 avril 2024].
- OŻÓG, Zenon : Romantycy czasu wojny [Les auteurs romantiques de la période de la guerre], Fraza, Rzeszów, 2002, p. 22.
- WYKA, Kazimierz : Krzysztof Baczyński 1921-1944, Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 1961, p. 111.
- L’exposition numérique du musée de la Littérature d’Adam Mickiewicz à Varsovie:[lien consulté le 28 avril 2024].
- L’intitulé exact de notre thèse de doctorat, commencée en 2018 et rédigée sous la direction de Monsieur le Professeur Piotr Biłos, est le suivant : « Poétique de l’eau : une lecture bachelardienne de l’œuvre de Krzysztof Kamil Baczyński ».
- BACHELARD, Gaston : L’eau et les rêves, Le Livre de poche, Paris, 2018, p. 7.
- ŚWIĘCH, Jerzy : « Wstęp » [« Introduction »], [in :] BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil, Wybór poezji, Zakład Narodowy im. Ossolińskich, Wrocław, 1989, p. XCVI.
- Przebudziły się w nas zwierzęta
i duchy mleczne się budzą.
W dzień podobni jesteśmy złym ludziom,
w noc zwierzętom płonącym w cierpieniu,
to znów bestiom krzyczącym w rui,
to znów cierniom w swych oczach człowieczych;
rozdzielonym, niespokojnym i czułym
ciała ciążą jak twarde rzeczy.
A na niebie chmur bitwa łagodna,
a na ziemi chrzęst kości i stali.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas. Wiersze wybrane [Ce temps-là. Œuvres choisies], Prószyński i S-ka, Varsovie, 2018, p. 436.
Trad. K. Jopa. Sauf mention contraire, les traductions des textes cités sont de l’auteure du présent article. - « chrzęst kości i stali », ibid.
- « Wojna jest bowiem terenem ścierania się dwóch pierwiastków. […] To wojna wyzwala w człowieku potęgi Dobra i Zła, czyni zeń ofiarę antagonizmu, do jakiego nieuchronnie prowadzą dwie drzemiące w nim namiętności, dwa wiecznie ze sobą skłócone instynkty. » ŚWIĘCH, Jerzy : « Wstęp » [« Introduction »], op. cit., p. XCV.
- BUDZYŃSKI, Wiesław : Śladami Baczyńskiego [Sur les pas de Baczyński], Biblioteka Warszawska, Varsovie, 2009, p. 172.
- porwani przez wyjący mroków pożar
jak zwierzęta, co za kratą śnią,
których pragnień żaden czas nie zmoże.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas, op. cit., p. 436. - Ruda chmura gradowa – zakuta
w kształt znużonego kota,
poziewając otwiera smutek
jak krajobraz z różu i złota.
Potem oczy zamyka; wspomnieniem
spada w kłębek płowego żalu
i w źrenicach z wolna utrwala
ludzi stojących wokoło i cienie.
Ibid., p. 227. - KUCZYŃSKA-KOSCHANY, Katarzyna : Rilke poetów polskich [Rilke chez les poètes polonais] , Wydawnictwo Naukowe Uniwersytetu Mikołaja Kopernika, Toruń, 2017, p. 114.
- RILKE, Rainer Maria : Œuvres poétiques complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1997, p. 1489.
- KUCZYŃSKA-KOSCHANY, Katarzyna: Rilke poetów polskich, op. cit., p. 112.
- Święch, Jerzy : Krzysztof Kamil Baczyński – poeta religijny [Krzysztof Kamil Baczyński – poète religieux], [in :] SAWICKI S., NOWACZYŃSKI P. (dir.), Polska liryka religijna, Lublin, 1983, p. 508.
- Cité par Martin HEIDEGGER, Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1980, p. 346.
- Mattéi, Jean-François : « L’Ouvert chez Rilke et Heidegger » in : La philosophie du XX siècle et le défi poétique, 7, 2004, [lien consulté le 28 mars 2024].
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Kogo kochasz kochając przydrożne psy,
chodząc w ulicach wiatrem spalonych,
na szybach zastygając oczami szklanymi jak łzy?
[…]
Jakże spokojne ich twarze obrosłe
sierścią – osadem – miłością lat,
kiedy bijesz na oślep rękami jak wiosłem
we wrogi obraz nieba i ziemi, w świat.
Rzuć, rzuć magię wirujących kół,
podnieś ręce do potęgi łap,
wtul się w sierść przyjacielską i płyń
przez zarosłe czaszkami wybrzeża lat.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil: Ten czas, op. cit., p. 180. - « We dwu, przyjacielu, przez las » [« Tous les deux, mon ami, à travers la forêt »], ibid., p. 214.
- « psy rozszarpią jego smutek » [« les chiens déchiquèteront son chagrin »], ibid., p. 141.
- « śmierć moją najbliższą wyśpiewa dziś w nocy / na sąsiednim podwórzu zabłąkany pies » [« ma mort toute proche, un chien errant / la chantera dans la cour voisine, cette nuit encore »], ibid., p. 586 ; trad. DU BORD Claude-Henry, JEŻEWSKI Christophe: Krzysztof Kamil Baczyński. L’Insurrection angélique, Éditions Le Cri, IN’HUI, Bruxelles, 2004, p. 34.
- BUDZYŃSKI, Wiesław: Warszawa Baczyńskiego, op. cit., p. 20.
- Ibid.
- Les portraits du chien Fred réalisés par Baczyński sont accessibles dans la Bibliothèque nationale numérique Polona : [lien consulté le 2 avril 2024].
- BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Utwory zebrane [Œuvres complètes], vol. I, Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 1979, p. 385.
- DUSZYNSKI, Manuelle : Poésie, j’écris ton nom. Introduction à la poésie, Flammarion, Paris, 2014, p. 5
- Ibid.
- DÉTIENNE Marcel: Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Librairie générale française, Paris, 2006, p. 252.
- Le tableau fait partie de l’exposition numérique du musée de la Littérature d’Adam Mickiewicz à Varsovie : [lien consulté le 3 avril 2024].
- Voir aussi KWIATKOWSKI, Jerzy : «Potop i posąg» [«Monument et déluge »], [in :] Klucze do wyobraźni [Clés de l’imagination], Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 1973, p. 7-30.
- MOREL, Corinne : Dictionnaire des symboles, mythes et croyances, Édition de l’Archipel, Archipoche, Paris, 2004, p. 734.
- « w stanie stałego odrętwienia », BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Utwory zebrane, vol. I, op. cit., p. 382.
- « Były chwilami ucieczki i spokoju, były życiodajne, bo przyjmowały na mały moment tworzenia ciężar z ramion piszącego », ibid., p. 382.
- Dzień wróbli i jasności!
w dzbanuszkach małych ptaszków
świat się ustał miłością,
niefrasobliwą łaską.
Na wyciągnięcie ręki
mam czystość ich, puszystość,
jakbym dotykał ciebie
[…].
oczy mrużysz, zasłaniasz,
piórka w blasku nagrzewasz.
[…]
odpowiesz wróblim głosem
[…] — malutka.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas…, op. cit., p. 419. - «ciemne serca», BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : « Moineaux » («Wróble») [in :] Ten czas…, op. cit., p. 214.
- Voir par exemple ZGRZYWA, Agnieszka : Poeta i baśń. Rzecz o Krzysztofie Kamilu Baczyńskim [Poète et conte. Sur Krzysztof Kamil Baczyński], Wydawnictwo Poznańskie, 2011.
- L’œuvre poétique de Baczyński a été abordée par le biais des conventions du conte dans ZGRZYWA, Agnieszka : Poeta i baśń, op. cit.
- Voir sur les caractéristiques du conte : CARLIER Christophe, La clef des contes, Ellipses, Paris, 1998 et SCHNITZER Luda, Ce que disent les contes, Éditions du Sorbier, Paris, 1995.
- CARLIER Christophe: La clef des contes, op. cit., p. 9.
- Stojąc przed lustrem ciszy
Barbara z rękami u włosów
nalewa w szklane ciało
srebrne kropelki głosu.
I wtedy jak dzban — światłem
zapełnia się i szkląca
przejmuje w siebie gwiazdy
i biały płyn miesiąca.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas…, op. cit., p. 268.
Trad. DU BORD C.-H., JEŻEWSKI Ch. : Krzysztof Kamil Baczyński. L’insurrection…,op. cit., p. 66. - Przez ciała drżący pryzmat
w muzyce białych iskier
łasice się prześlizną
***
myszy się strumień przewiedzie
płynąc lawiną gwarną.
***
Więc ma Barbara srebrne
ciało. W nim pręży się miękko
biała łasica milczenia
Ibid. - KLIMEK, Paulina Izabela : Satirische, erotische, religiöse und märchenhafte Züge in lyrischen Werk von Krzysztof Kamil Baczyński, mémoire de master non publié, soutenu à l’Université de Vienne, en 2013, p. 60, [lien consulté le 3 avril 2024].
- MOREL, Corinne: Dictionnaire des symboles, mythes et croyances, op. cit., p. 832.
- O fauno moja: łagodne zwierzęta
kontynentów opasłych i wysp z majoliki.
Już przybywacie, białe słonie smutku
i niepisanych wierszy brzęczące słowiki.
Karawany wielbłądów, kołyszecie pejzaż
wszystkich wieków przebytych, pustynie umarłe,
przynosicie proroków nieznanych. O węże
mojej trwogi, zwinięte pod gardłem.
BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas…, op. cit., p. 157.
Trad. DU BORD C.-H., JEŻEWSKI Ch. : Krzysztof Kamil Baczyński. L’insurrection…, op. cit., p. 41. - czekam w spalonym raju
na ciebie, fauno, i straconą ewę.
Ibid. - « Maleńkie archipelagi », BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : Ten czas…, op. cit., p. 176.
- « śpiewa[ją] ryby skrzydlate », ibid., p. 177.
- « wędrują złote strusie », ibid., p. 176.
- « niebo smutku », ibid., p. 177.
- « bajki o smutku », ibid., p. 365.
- « łania z rubinowych łez », BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : « Elegie zimowe » [« Élégie d’hiver »] [in :] Ten czas…, op. cit., p. 97.
- « przejrzysta łania idylli », BACZYŃSKI, Krzysztof Kamil : « Idylla kryształowa » [« Idylle de cristal »] [in :] Ten czas…, op. cit., p. 160.
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