Bibliomanie

Le point de vue des sangliers dans le roman de Giordano Meacci “Il cinghiale che uccise Liberty Valence”
di , numero 57, giugno 2024, Saggi e Studi, DOI

Le point de vue des sangliers dans le roman de Giordano Meacci “Il cinghiale che uccise Liberty Valence”
Come citare questo articolo:
Anne Demorieux, Le point de vue des sangliers dans le roman de Giordano Meacci “Il cinghiale che uccise Liberty Valence”, «Bibliomanie. Letterature, storiografie, semiotiche», 57, no. 8, giugno 2024, doi:10.48276/issn.2280-8833.11379

1 Il cinghiale che uccise Liberty Valence de Giordano Meacci1 est un texte choral, postmoderne et protéiforme, à la structure complexe, abondant en citations littéraires et cinématographiques. Ce premier roman, finaliste du Premio Strega en 2016, se caractérise en particulier par la recherche stylistique de l’auteur, qui associe une langue riche, expressive et inventive, à une syntaxe souvent expansive, parfois contractée, mais rarement conventionnelle. Une autre originalité du livre réside dans le choix d’ériger au rang de protagonistes à part entière, à côté des habitants de la petite ville provinciale imaginaire de Corsignano, un groupe de sangliers dotés d’un langage propre. Apperbohr en est le guide. Ce sanglier est le véritable protagoniste du roman. Il observe avec curiosité les hommes et commence miraculeusement à comprendre leur langue dont il tente d’expliquer certains concepts à ses homologues. Au point de vue humain sur les animaux, Meacci confronte donc ce «point de vue animal» qu’Éric Baratay a invité à adopter dans les animal studies2. Pour ce faire, il invente une langue propre aux sangliers, dont il explique les grands principes morphosyntaxiques et propose un glossaire à la fin du roman, ainsi qu’une interlangue qui modèle la langue italienne selon un point de vue sanglier. L’étude des moyens stylistiques mis en œuvre par l’écrivain permettra de vérifier qu’il s’agit bien de faire des sangliers les sujets d’un monde qui leur est propre et non de simples animaux parlant comme il en existe beaucoup dans la tradition littéraire. Pour permettre ce point de vue sanglier, Meacci met en scène la révélation du langage humain en même temps que le développement de l’”aperception” chez Apperbohr. Ce phénomène, ainsi que les conséquences qu’il entraîne sur la représentation du monde par le sanglier, sera étudié dans un deuxième temps.

1. Représenter l’umwelt d’un sanglier: les choix stylistiques de Meacci
2 Le biologiste et naturaliste allemand Jakob von Uexküll, qui s’est intéressé à la question de la sensibilité animale, avait compris la nécessité de différencier le milieu matériel de tout être vivant (Umgebung) de son propre monde (Umwelt), c’est-à-dire l’ensemble des éléments de ce milieu qui ont pour lui une signification précise par rapport à ses capacités sensorielles et perceptives3. «La portée de la théorie d’Uexküll réside […] dans le fait d’avoir redonné sa spécificité au vivant, d’avoir mis en évidence que “le propre du vivant, c’est de se faire son milieu, de se composer un milieu”4». Chaque être vivant perçoit le monde à sa façon, il existe donc autant de mondes que d’êtres vivants. Il s’agit donc de reconnaître, avec Jacques Derrida, la possibilité pour l’animal de porter un regard sur le milieu partagé avec les êtres humains et par conséquent d’être confronté à son altérité5. Adopter le point de vue animal, c’est-à-dire tenir compte de sa subjectivité, c’est s’intéresser à son Umwelt, tenter de le reconstituer et de le représenter. Daniela Brogi constate à juste titre que:

«Il libro è, piuttosto, un’opera tesa alla creazione di uno scenario narrativo che sia percepito come alterità: grazie al punto di vista animale e, soprattutto, grazie alla realizzazione stilistica di un’alterità intesa precipuamente come esperienza e pratica discorsiva6

1a. Choix lexicaux
3 Le langage étant ce qui permet d’appréhender, d’organiser et de penser le monde, autrement dit de le représenter, Meacci a particulièrement travaillé sur la langue dans laquelle exprimer le point de vue sanglier, mis en relief par la juxtaposition et l’alternance avec le point de vue humain7. Le discours indirect libre du chapitre 1 (29 agosto 2000) nous plonge d’emblée dans la subjectivité de l’animal poursuivi par des chiens de chasse, à travers la tentative d’analyse des sensations qu’il perçoit à l’intérieur de lui-même, dans ce nouvel état qu’il expérimente et qu’il est incapable de nommer – la perception inconsciente de la mort:

«Non c’era ancora, in lui, una parola per fissarsi in mente quel battere nuovo del cuore, accelerato e frenetico in un modo differente: un pulsare concavo che si poteva sentire nelle orecchie, lungo la criniera e la spina dorsale, fino alle spazzolate della coda contro l’aria stantìa del sottobosco. Era come se il suo stesso sangue gli parlasse in una lingua appena nata, annunciando il pericolo insieme all’abbaiare rasposo dei cani in lontananza. Il tutùmb del cuore – quella parola che gli era sembrata così strana, la prima volta che l’aveva intuita – gli stava insegnando qualcosa di cui riusciva a malapena a seguire la traccia ora che gli zoccoli sgricciolavano nell’erba umida, all’ombra […].» (p. 24)

La langue de Meacci est – d’une manière générale – très sensorielle, comme le montre le champ lexical des sens et sensations et les figures rhétoriques qui l’enrichissent: “battere […] del cuore”, “un pulsare”, “sentire nelle orecchie”, “la spina dorsale”, “l’aria stantìa”, “l’abbaiare rasposo” (sinesthésie), “il tutùmb del cuore” (onomatopée), “seguire la traccia”, “gli zoccoli sgricciolavano” (néologisme verbal formé sur le substantif «sgricciolo» qui signifie «brivido», frisson), “erba umida” et “ombra”. Pour le sanglier, les stimuli extérieurs – les aboiements des chiens, l’herbe humide, la diminution de la luminosité – se fondent avec les sensations intérieures – le bruit et les pulsations de son cœur qui résonnent de la pointe de ses oreilles au bout de sa queue. Comme l’explique Nicola Zengiaro, l’expérience de la sensation advient dans tout le corps de l’animal, qui se confond alors avec la sensation dans laquelle il est immergé, ce qui signifie que, pour les animaux, les sensations restent un «savoir corporel»8. Les êtres humains au contraire, grâce à leur langage, sont capables de réélaborer celles-ci en signes linguistiques qui lui permettent de les penser et de les interpréter9. Par ailleurs, les verbes d’énonciation associés aux sangliers sont des verbes qui expriment des cris d’animaux et ont une sonorité suggestive qui les rapproche de l’onomatopée10. On peut ainsi relever l’emploi de «grugnare», «grufolare», «bofonchiare», «rughiare», «ronfare», «sbuffare» ainsi que le néologisme «sgrunfiare11».

1b. Focalisation interne
4 Lorsque le récit s’intéresse aux sangliers, le narrateur adopte en outre une focalisation animale. Ainsi, lorsqu’Apperbohr espionne caché derrière un buisson Andrea et Durante, il utilise des métaphores naturelles, qui appartiennent au monde référentiel des sangliers, pour désigner les objets humains qui lui sont inconnus: le lecteur CD est «un sasso che fa suono» (p. 119) et la télévision «un sasso luminoso» (p. 120); et lorsque les deux adolescents fument, ils font «nuvole e vento dalla bocca» (p. 119). De plus, Apperbohr exprime les distances relatives à ses déplacements en «zampettate», la mesure de ses pas: «Apperbohr si muove verso destra di cinque, sei zampettate laterali» (pp. 127-128). Par ailleurs, quand Apperbhor essaie d’expliquer aux autres sangliers qu’il a compris «le cose12», les choses – il n’apprendra jamais le concept de mot ou de parole –, les autres sangliers, qui ne sont pas habitués à discourir et qui ne le comprennent pas, s’intéressent à des éléments constituant leur Umwelt, comme la trace d’urine que l’un d’eux a laissée sur la coriandre, ou le fossé dans lequel Mm-eerrockwr a passé la nuit. Enfin, il convient de signaler l’importance des odeurs dans la perception des états émotionnels des êtres humains que le sanglier approche, or l’odorat est un sens particulièrement associé à l’animal. Apperbohr perçoit par exemple «l’odore amaro e di fiele» (p. 213) qui émane de Davide, impliqué malgré lui dans un trafic de nourriture pour animaux contaminée, et est terrorisé à l’idée de se faire prendre. Ou encore le «retroprofumo di muschio e di sole […]; di avena lasciata ad asciugare, e di fiume, l’odore del vento quando annuncia la prima pioggia dell’estate» (p. 215) que dégage Marzia Traversari après un orgasme.
5 Le chapitre 19 (21 luglio 1999), où apparaît ce personnage, constitue une illustration exemplaire du concept d’Umwelt. Il met en scène le rapport sexuel que Marzia et sa sœur Arletta ont avec Felice Indigheri dans une Fiat Panda. Grâce à l’alternance des points de vue, mise en évidence par l’auteur par leur mention entre crochets avant chaque changement de focalisation, le lecteur mesure la distance entre le monde humain et la façon dont peut le percevoir un sanglier. Dans un premier temps, le lecteur a accès à la perception auditive d’Apperbohr qui attire son attention sur la voiture: «[Quello che il Cinghiale sente #1a.]» (p. 193); suit ce qu’on pourrait appeler la “bande-son13” très suggestive de la scène annoncée par «[Quello che sente la Panda #1b.]» (p. 196) – rendue par des onomatopées, des syntagmes déformés, des signes de ponctuation et divers symboles. Le sanglier s’approchant de la Panda, on accède alors aussi à sa perception visuelle: «[Quello che il Cinghiale continua a sentire e a vedere #2a.]» (p. 197). Dans un second temps, le narrateur raconte l’interprétation que fait chaque espèce des intentions de l’autre, grâce au verbe modalisateur «crede»: «[Quello che il Cinghiale crede di sentire e di vedere #4a.]» (p. 197) et «[Quello che crede di vedere e di sentire la Panda #4b.]» (p. 206). Le décalage d’expériences entre êtres humains et sanglier donne lieu à un quiproquo. Le sanglier interprète le rapport sexuel et les cris qui l’accompagnent comme l’agression des deux “femelles” par le “mâle”. Aussi décide-t-il d’attaquer ce dernier pour défendre celles-ci, qui, évidemment, croient qu’elles sont elles aussi visées par la charge du sanglier14. L’adoption de la focalisation animale donne à voir comment le sanglier analyse les stimuli reçus en provenance de la voiture:

«[…] da dentro l’Alto sulle Zampe rvmh grugnisce, e ronfa, come quando i rvrrn15 caricano per colpire – è sempre più convinto che l’Alto sulle Zampe rvmh stia facendo del male – ecco com’è. Il Bene. Il Male. È così che ha sentito: bene, quando non succede niente, male quando ti fanno male, la parola rvrrn continua a essere solo whoomf16; o heggrwilh17, forse in questo caso è più heggrwilh – Apperbohr è sicuro che l’Alto sulle Zampe voglia procurare dolore alle Alte sulle Zampe rvfmlh […].» (p.205)

À la perception auditive que sont les grognements, Apperbohr fait correspondre une intentionnalité – charger l’ennemi pour le blesser – qui appartient à son espèce, d’où il déduit que la finalité de l’homme est de faire du mal aux deux femmes. L’acquisition du langage humain et de l’aperception lui permet de réfléchir au sens de ces concepts nouveaux pour lui que sont le bien et le mal, dont il cherche des concepts sangliers équivalents. Ainsi le bien est-il considéré comme l’état normal, alors que le mal correspond à un état de souffrance qui, pour un sanglier, est avant tout expérimenté à travers une nécessité physiologique, en premier lieu la faim, mais peut aussi être causé par un agent extérieur provoquant une blessure ou tout du moins une douleur. La citation montre également qu’Apperbohr désigne les hommes avec le syntagme “Alti sulle Zampe”, qui décrit une particularité physique propre à l’espèce, comme c’est souvent l’usage pour nommer les animaux18. En outre, il différencie les humains en fonction de leur sexe, en précisant “rvmh” (mâle) ou “rvfmlh” (femelle), à la manière des hommes quand ils parlent des animaux. Du point de vue des sangliers, les êtres humains sont donc des animaux comme les autres, ou presque, puisqu’ils possèdent cette “chose” – la langue – que tout à coup Apperbohr se met à comprendre. Ce faisant, Meacci semble reprendre la définition aristotélicienne de l’homme comme «zōon logon echon» (animal doté de parole), paradigme sur lequel s’est construite la supériorité ontologique de l’homme, tandis que l’animal ne serait capable que d’émettre des grognements, imités par les différents onomatopées du langage sanglier19.

1c. «Cinghialese» et interlangue
6 Meacci ne se contente pas d’adapter la langue italienne à l’expression d’un point de vue animal, ainsi que la citation précédente permet d’en rendre compte. La grande originalité de son roman réside en effet dans l’invention linguistique du «Cinghialese», une langue sanglier, dont la citation précédente nous a déjà donné un aperçu. On trouve d’ailleurs dans la dernière partie du livre, intitulée «Cinghialerie», un «prontuario cingialese». C’est un véritable manuel linguistique comprenant une description phono-morpho-syntaxique et un glossaire, dont il est précisé en note qu’il s’agit de la reproduction de la première étude dactylographiée du Cinghialese. Quant au tire de ce manuel, il fait mention des auteurs dans le jargon des écrits scientifiques: «a cura di Ludovico Sanesi e Maria Luisa Vertecchi». Cette partie comporte également la transcription en version originale du dialogue des sangliers rapporté au chapitre 18 (26 luglio 1999). L’étude scientifique de cette langue par des universitaires et des doctorants est également évoquée au chapitre 20 (27 gennaio 2000), présenté par le narrateur comme la reconstitution d’une rencontre entre Apperbohr et Mm-eerrockwr sur la base de pseudo-documents d’archives référencés, avec des commentaires en notes renvoyant à d’imaginaires articles d’Annales et Revues linguistiques20.
Le manuel linguistique nous apprend que «la lingua dei rvrrn diversi da Apperbohr […] è morfosintatticamente molto elementare e delega certa espressività irrinunciabile ai gesti, ai movimenti, ai grugniti idiolettici […]» (p. 441). Les saluts, par exemple, sont des «borbottii» propres à l’idiolecte de chaque individu et ont comme fonction principale d’informer de l’identité du sanglier. Et pour situer quelque chose dans l’espace, les sangliers pointent leur groin dans la direction correspondante tout en grognant.
Les lexèmes qui constituent le vocabulaire de base du cinghialese sont assimilables à des onomatopées, il s’agit d’une transcription plus ou moins fidèle des phonèmes qui composent les différents grognements. On relève majoritairement des consonnes occlusives dures [b], [k], [d], [g] associées à la roulée alvéolaire voisée [r], à la spirante labio-vélaire voisée [w], et à la nasale bilabiale voisée [m]. Certains sons sont toutefois difficiles à transcrire car les phonèmes sangliers n’existent pas dans l’alphabet phonétique international humain, c’est par exemple le cas de l’aspiration ronflée au début du grognement exprimant la négation «’nhkrawh» (p. 444)
Le cinghialese est dépourvu d’un certain nombre de concepts tels que la pensée, la relation cause-effet, le temps et la potentialité – d’où l’absence de conjugaisons – et apparaît plus indéterminé que le langage humain. Il est donc compliqué pour Apperbohr d’exprimer en cinghialese des concepts abstraits, il doit faire preuve d’inventivité linguistique pour essayer de les transmettre à ses compagnons: «Quando A. deve spiegare che non c’è quasi niente di chiaro è costretto allo sforzo di “’nhkrawh grmmsslr wgr’nhkrawhfowkhsseaw” (letteralmente “non essere qualcosacomenonluminoso di luminoso”).» (p. 443)
7 Le va-et-vient que fait le sanglier entre les deux langues est rendu dans le roman par la présence d’une véritable “interlangue”. En linguistique, l’interlangue désigne, dans les situations d’apprentissage d’une langue étrangère, une langue intermédiaire constituant un système linguistique autonome entre la langue source et la langue cible21 . À un moment de l’histoire, Apperbohr se rend compte qu’il pense dans «una lingua che non è già più sua ma che non è ancora quella degli Alti sulle Zampe, né la somma screziata di tutt’e due» (p. 195), ce qui constitue une définition de la notion d’interlangue. La coexistence de ces trois langues est illustrée dans la citation suivante:

«Gli uomini, quelli che Cinghiarossa chiamerebbe uomini e Apperbohr pensa Alti sulle Zampe, chiamano la Terra Su Piena di Sassi Corsignano. E i rvrrn come Lui, che gli Alti sulle Zampe chiamano cinghiali» (p. 119).

On relève d’une part les mots appartenant à la langue des hommes – “uomini”, “Cinghiarossa”, “Corsignano” et “cinghiale” –, les mots appartenant au cinghialese – “rvrrn” par lequel les sangliers se désignent dans leur langue et le nom propre “Apperbohr” –, ainsi que des mots propres à l’idiolecte d’Apperbohr: “Alti sulle Zampe” et “Terra Su Piena di Sassi”. Ces derniers sont formés par l’association de signes du système linguistique humain, mais le signifiant qu’ils composent correspond à un signifié différent de celui correspondant à la langue source. Ce qui pour les hommes est un village unique, précisément délimité d’un point de vue topographique et administratif, appelé Corsignano, n’est pour le sanglier qu’une portion de territoire comme une autre (“Terra”), caractérisée par sa position élevée (“Su”) et la présence anormalement élevée de pierres (“Piena di Sassi”). Que cette accumulation de pierres ait été voulue par les hommes qui en ont fait leur habitat, et donc leur propriété, échappe à l’animal. De même, le syntagme «Alti sulle Zampe» ramène l’homme à sa condition animale. Cela illustre ce que Nicola Zengiaro nous dit du regard animal:

«[…] gli animali ti guardano per quello che sei. Non vedono il filosofo, l’algerino, o il nome “Jackie”. Ciò che l’animale vede è semplicemente un altro animale. Non vede un uomo, una donna, un algerino, un italiano, un filosofo. Ciò che l’animale vede è semplicemente un corpo animale che gli si presenta davanti agli occhi.22»

Dans le roman, l’interlangue ne participe donc pas seulement du processus d’apprentissage de la langue humaine par le sanglier, mais elle correspond avant tout à l’expression d’un véritable point de vue alternatif sur la réalité. Contrairement à celle d’un apprenant humain, l’interlangue d’Apperbohr ne se caractérise pas par une morphosyntaxe divergente de la norme, mais par la différence de concepts qu’elle véhicule. Autrement dit, Apperbohr n’est pas un simple animal parlant comme on en rencontre dans les contes et les fables de la tradition littéraire, et la langue qu’il emploie correspond bien à l’expression de son Umwelt. En apprenant le langage humain, le sanglier ne se départit pas de sa vision du monde mais il l’enrichit

2. Épiphanie de la langue, découverte d’un autre monde
8 Le philosophe Ludwig Wittgenstein, en se posant la question des limites du pensable en philosophie, a été amené à écrire que «les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde23». Le monde de l’homme est un monde linguistique qui lui permet d’organiser la réalité en fonction de l’interprétation qu’il en fait, alors que l’animal est complètement immergé dans la réalité qu’il vit au moment où il la vit24. Dès lors, quelles sont les conséquences de l’acquisition du langage humain par le sanglier Apperbohr?

2a. L’apprentissage du langage humain
9 Le texte, de par sa structure temporelle particulière, revient plusieurs fois sur le moment où la langue humaine se révèle à Apperbohr, alors qu’il espionne par la fenêtre ouverte deux adolescents de Corsignano, Walter et Fabrizio, en train de regarder le film de John Ford, The Man Who Shot Liberty Valance (1962), dont le roman tire son titre25. Cette révélation miraculeuse est définie comme une épiphanie: «E in questo esatto momento di epifania […] la notte di Corsignano esplode di una summa atheologica e ferina di grida e rantoli e suoni e grugniti […]» (p. 391). Le latinisme «summa» suggère un recueil de mots et expressions, connoté par l’idée d’un savoir encyclopédique, mais dépourvu de toute dimension religieuse comme c’était en revanche le cas au Moyen-Âge, ce qui est exprimé par le néologisme “atheologica” qui met en valeur l’étymologie du terme. Ce savoir est acquis par l’animal caractérisé ici par sa dimension bestiale grâce à l’adjectif “ferina” or, pour les Grecs antiques, la bête était l’être auquel les Dieux avaient nié la parole26. L’acquisition du langage humain est représentée grâce à la polysyndète qui entremêle les émissions sonores des hommes – “grida”, “suoni” – à celles des sangliers – “rantoli”, “grugniti”. Mais si elle est amorcée de manière miraculeuse, elle nécessite tout de même un effort d’apprentissage dont le discours indirect libre rend compte.

« In quel momento nel tempo, è stato come se tutto quello che aveva sentito dire dagli Alti Sulle Zampe fino ad allora si fosse – rinsaldato, stretto, legato, aggrappato, il mondo gli è diventato una litanìa di sinonimi, anche se di quest’ultima parola ha solo una sensazione di tepore caldo che non gli spiega nulla: quando l’Alto sulle Zampe ha bruciato il – quella stessa cosa che Andrea e l’altro – Durante, ora continuano a usare per mandare fumo nelHawwn… Cielo. La parola è cielo. Terra. E cielo. Quando s’affatica, da quando s’affatica, alle volte la lingua degli Alti sulle Zampe gli si compone sottoforma della lingua prima dei rvrrn come Lui.» (p. 120)

Apperbohr utilise le mot “sinonimi” sans en comprendre le concept; à ce stade, ce mot n’est perçu que comme une sensation, celle d’une chaleur tiède. De même, il hésite quant au mot qu’il convient d’employer pour indiquer le ciel. Cette hésitation est transcrite par l’emploi d’un tiret puis des points de suspension. Et le mot lui vient d’abord naturellement dans ce qu’on pourrait appeler sa langue maternelle – “Hawwn” – avant qu’il ne trouve le terme correspondant dans la langue des hommes – “Cielo”, comme il le constate lui-même. Meacci utilise l’italique pour souligner les mots nouvellement acquis par le sanglier. La complexité syntaxique et l’étrangeté lexicale créent un effet de mise à distance chez le lecteur qui est contraint dans une langue qu’il ne reconnaît qu’en partie et qui l’invite à réfléchir sur la façon dont elle modèle la réalité et représente le monde.

2b. L’aperception d’Apperbohr
10 La notion d’”aperception” a été introduite par Gottfried Wilhelm Leibniz puis reprise par Emmanuel Kant. Elle est considérée ici comme «une perception de second ordre, une perception de perception […], justifiant ainsi sa caractérisation de connaissance réflexive ou con-science27 », selon la définition qu’en donne Arnaud Pelletier d’après la lecture des Principes. En d’autres termes elle est l’acte de réflexion qui permet au sujet de prendre conscience de ses perceptions et donc de se penser en “moi”. Si la perception est commune à tous les êtres vivants, l’aperception est considérée comme le propre de l’homme. C’est le narrateur, qui se présente au chapitre 20 comme un chercheur étudiant le cas du sanglier, qui introduit la notion de processus d’aperception au sujet d’Apperbohr. Lorsqu’il évoque le sanglier avant la nuit décisive du 19 au 20 juillet, dans le chapitre 13 (19 luglio 1999), le narrateur met en évidence cette absence de conscience de soi: «Apperbohr sta mugugnando tra sé una serie di mmgrggh mrhhh di soddisfazione – senza sapere cos’è, «la soddisfazione» – rotolandosi nel fango appena inumidito dalla scesa della sera sul bosco» (p. 136). La connaissance minimale que tout lecteur aura des sangliers lui aurait facilement permis de comprendre que l’onomatopée soulignée par l’italique exprimait un grognement de plaisir grâce au gérondif en précisant les circonstances – Apperbohr est en train de se rouler dans la boue. Le complément de spécification serait donc inutile, si le narrateur n’avait pas voulu mettre en évidence l’ignorance que le sanglier a de la sensation qu’il est en train d’éprouver à ce moment-là. Si le corps du sanglier perçoit la sensation de bien-être procurée par l’action qu’il exécute, aucune instance subjective ne lui permet d’être conscient de sa perception. Un peu plus loin dans le chapitre, le narrateur, dans une analepse, rapporte un rêve qu’Apperbohr a fait cinq mois auparavant:

«[…] Apperbohr a cinque mesi da quel giorno di luglio sperso tra gli odori della collina […] alle prese con un sogno stranissimo (anche se non sapeva che cosa fosse «un sogno»; né avrebbe potuto accrescerlo di «stranezza») di corse e di fughe dagli awgr; con la sensazione letteralmente ineffabile di essere un apperbohr ancora inesistente se non nel futuro – avesse saputo dire (o pensare) che cosa fosse poi, «il futuro». O un apperbohr.» (p. 137)

Le commentaire du narrateur au sujet de l’ignorance d’Apperbohr des concepts de rêve et d’étrangeté rappelle au lecteur qu’il ignore encore tout de la langue des hommes. Le contenu du rêve correspond à des expériences typiques des sangliers, de même que la perception des odeurs des fleurs de la colline. En revanche, la sensation qu’il éprouve au cours de son rêve est “littéralement ineffable” car le sanglier n’a encore ni conscience du temps qui passe, ni conscience de ce qu’il est dans sa singularité d’individu. En effet, il se reconnaît comme appartenant à l’espèce des rvrnn, des sangliers, qu’il est capable de distinguer des autres espèces, comme les awgr, les chiens de chasse, ignore qu’il est un apperbohr. L’emploi de la minuscule, en transformant le nom propre en nom commun, opère une dépersonnalisation qui illustre l’absence de conscience de son individualité, dont le nom propre représente le garant.
11 Il n’est pas anodin qu’après avoir reçu le don de comprendre le langage des hommes, le sanglier fasse l’objet d’un baptême de la part de Fabrizio qui l’aperçoit tout à coup par la fenêtre et murmure: «benvenuto, Balthazar. Benvenuto. Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit…28 » (p. 399). Avant l’avènement d’Apperbohr, les sangliers ne se désignent pas entre eux par leur nom propre:

«Si rivolge a Mm-eerrockwr chiamandolo per nome, il che è quasi una novità, nei dialoghi tra di loro. Perché quando un rvrrn […] incontra un altro rvrrn il nome: quel minimo principio che ha definito e definito ognuno di loro in un impulso battesimale, in uno sfolgorìo sfragistico e istintivo fatto di impressione biologica e di decisione materna, è sempre sottinteso e lontano; un ricordo ancestrale condiviso che rassomiglia a un gesto ereditato della specie, più che raggrumarsi in una specificazione identitaria. I Rvrrn sono i rvrrn e ognuno di loro è un rvrrn. I nomi si conoscono ma a che servono, i nomi?» (p. 188)

Si les sangliers sont dotés d’un prénom à leur naissance, il s’agit d’une sorte de marque instinctive et non d’une “spécification identitaire”, vite oubliée car d’aucune utilité pour l’espèce. En revanche, avec l’acquisition de la connaissance de la langue humaine, le sanglier reçoit tout à coup une conscience de soi – «questa improvvisa consapevolezza che gli è piovuta addosso» (p. 195) – et acquiert son identité: «[…] lui è una massa che i secoli hanno plasmato a forma di cinghiale, epperò ora da tutta quell’idea comune e vaga di cinghiale lui si è scoperto un apperbohr. Anzi no: Apperbohr […]» (p. 395). La métaphore initiale pourrait renvoyer au mythe de la Genèse à travers l’emploi du verbe «plasmare», modeler, mais le sujet de ce verbe – «i secoli», les siècles – renvoie au long processus de l’évolution théorisé par Charles Darwin. Or sa théorie, en remettant en cause le dualisme homme-animal élaboré par la pensée occidentale, a ouvert la voie à une redéfinition du concept d’animalité, jusqu’alors décrite sur le «mode de la privation», c’est-à-dire en concevant l’animal comme «sans langage, sans culture, sans outils, sans représentation de la mort, etc.», ainsi que le rappelle Jean-Yves Goffi en se demandant «Qu’est-ce que l’animalité?»29 . L’épanorthose finale permet de mettre en emphase le nom “Apperbohr” écrit avec une majuscule: ce qui n’était auparavant qu’une particularité physique est désormais un nom propre à l’individu qui le porte.

2c. La découverte de la perception du temps
12 L’acquisition du langage humain s’accompagne également de la capacité à percevoir et à comprendre la notion de temps tels que les hommes la conçoivent, c’est-à-dire le temps linéaire, qui s’écoule et inscrit l’existence de chacun dans l’Histoire. Le déclencheur de cette épiphanie est la phrase «Ripensaci, amico30 », prononcée dans le film de Ford par le cow-boy Tom Doniphon. Cette phrase entraîne une relecture des événements depuis un point de vue nouveau, qui change l’histoire. Or le verbe ripensare contient à la fois l’idée de la faculté de penser permise par le langage, et, dans son préfixe, l’idée de la temporalité à travers le retour dans le passé qu’il suggère. Par conséquent, ce verbe présuppose l’existence d’un “avant”, et donc celle d’un “après”. Il permet donc au sanglier de sortir d’un éternel présent, scandé uniquement par l’alternance jour/nuit, un cycle dont, selon le manuel de Cinghialese, «i rvrrn hanno una timida percezione» (p. 442). Cette absence de notion de temps linéaire chez les sangliers est illustrée par la question que Mm-eerockwr pose à Apperbohr «Cos’è leore ?» (p. 218) au chapitre 20 (27 gennaio 2000). L’agglutination entre l’article défini et le substantif imite les erreurs de découpage de la chaîne de sons, commises par les locuteurs inexpérimentés.
Avec la notion du temps, Apperbohr acquiert la conscience d’être le descendant et l’héritier d’une longue lignée de sangliers, et la capacité à se projeter dans le futur, grâce à laquelle il organise des raids dans les champs et vergers alentours, afin d’accumuler des provisions. Au cours du dialogue du chapitre 20, lorsque Apperbohr commente la razzia de pommes qu’ils ont faite, son compagnon ne comprend pas de quoi il parle, car il ne peut se représenter du passé ni en garder le souvenir:

«[Mm-eerrockwr] “Quando ci siamo mossi” [Apperbohr, prova a spiegare] “Laggiù-nel-tempo, quando ci siamo mossi ciclo e ciclo fa, laggiù nel tempo, e abbiamo portato al Boscorotto le mele, e i cartocci di granturco…” [Mm-eerrockwr] “Mi piacciono le mele, più del granoturco…” [Apperbohr] “… Sì, ma non è questo, ora, l’importante…” [Mm-eerrockwr] “Non ti piacciono le mele?” (p. 219)

Comme le souligne une note du narrateur, Apperbohr s’efforce d’adopter une langue plus concrète, et donc plus facilement intelligible pour Mm-eerrockwr. C’est ainsi qu’il associe le concept temporel de passé au déictique spatial «là-bas» que le sanglier peut comprendre. De même, il tente d’exprimer le temps écoulé depuis leur action en termes de cycles jour/nuit, notion plus facilement appréhendable pour un sanglier. Malgré les efforts d’Apperbohr, le déficit d’attention de Mm-eerrockwr empêche la communication. Ce dernier n’est pas non plus capable de se projeter dans un futur où tous les sangliers de la Toscane auraient repris leurs droits sur leur territoire.
Si le langage humain élargit considérablement le monde d’Apperbohr, s’il lui ouvre les champs des possibles – «in cinghialese, il concetto di “potere” non esiste» (p. 444), il le confronte également à l’impossibilité de tout dire, et donc aux limites du langage. Les émotions d’Apperbohr quand il découvre la musique – «se solo potessi, si dice, se solo fossi in grado di raccontarvela» (p. 337) – ou quand il tombe amoureux de Llhjoo-wrahh – «se si potesse dire amore in cinghialese: se si potesse dire amore in qualsiasi lingua» (p. 273) –, demeurent indicibles. Dans le roman de Meacci, si la faculté de langage ne distingue pas l’homme de l’animal, l’ineffabilité des sentiments que sont l’amour et l’angoisse face à la mort les rend égaux.

Conclusion
Meacci utilise toutes les possibilités expressives de la langue pour adopter un point de vue sanglier qui correspond pleinement à une nouvelle image des animaux que la philosophie, aidée des autres sciences qui s’intéressent à eux, est en train de forger.
Dans le film de Ford, lorsque le jeune avocat Ransom Stoddart débarque au Far West, il n’a pour tout bien que ses livres de droit et la montre de son père. Ces deux objets représentent symboliquement la justice et l’ordre que Stoddart va apporter au territoire de Shinbone, en triomphant de Liberty Valance, qui incarne le chaos et la violence de ce monde non encore civilisé. Ce n’est pas un hasard si au cours de leur première rencontre, lors de l’attaque de la diligence, le bandit dépouille Stoddart de ces deux objets, tout en le fouettant à mort pour lui enseigner la seule loi du Far West.
Si l’on compare Apperbohr à Stoddart, ainsi que le titre du roman invite à le faire, on constate que les livres et la montre symbolisent également les deux acquisitions fondamentales du sanglier: les mots pour se dire et la notion du temps. Apperbohr à son tour est devenu une légende, car il a transformé la perception que ses semblables avaient du monde. Il leur a enseigné leur droit à prendre le maïs et les pommes qui poussent dans un monde qui leur appartient. Mais si Apperbohr apporte la civilisation aux siens, on peut également dire qu’il civilise les hommes, en leur offrant un point de vue animal sur le monde, en les encourageant à l’intercompréhension. Il invite les êtres humains à sortir du rapport exploiteur/exploité – représenté dans le roman par la chasse et la consommation de viande de sanglier – pour un rapport respectueux de chaque être vivant. C’est peut-être cela la véritable légende d’Apperbohr, celle du sanglier qui tua en l’homme la bestialité.

Note

  1. Giordano Meacci, Il cinghiale che uccise Liberty Valance, Roma, Minimum Fax, 2016. Toutes les citations du texte original (il n’a pas – encore – été traduit en français) proviennent de cette édition, aussi ne sera-t-il mentionné dans l’article que la ou les page(s) où elles se trouvent.
  2. Éric Baratay, Pourquoi prendre le point de vue animal?, in “Religiologiques”, no 32, printemps/automne 2015, pp. 145-165.
  3. Jean-Michel Le Bot. Renouveler le regard sur les mondes animaux. De Jakob von Uexküll à Jean Gagnepain. “Tétralogiques”, 2016, 21, pp. 195-218.
  4. Wolf Feuerhahn, Du milieu à l’Umwelt : enjeux d’un changement terminologique, “Revue philosophique de la France et de l’étranger”, 2009/4 (Tome 134), p. 420.
  5. Sur le rapport entre le texte de Jacques Derrida, L’animal que donc je suis, et l’altérité animale, voir Nicola Zengiaro, L’animalità e il pensiero sulla diversità: i fragili contorni dell’umano, in “Animot. L’altra filosofia”, N°9/2019, pp. 9-19.
  6. Daniela Brogi, Si può dire amore in cinghialese?, 28 Maggio 2016, https://www.doppiozero.com/si-puo-dire-amore-in-cinghialese [consulté le 6 avril 2024]
  7. Le roman présente une structure complexe, qui non seulement constitue un va-et-vient entre les différents habitants de Corsignano et les sangliers, mais fait aussi des allers-retours dans le temps, allant jusqu’à éclater le récit de la nuit décisive des 19 et 20 juillet 1999 en douzer chapitres.
  8. Nicola Zengiaro, Sentirsi animali. La meta-percezione umana e la pan-percezione animale, in “Animal studies. Rivista italiana di zooantropologia”, N°26, 2019, p. 70
  9. «[…] negli animali privi di un linguaggio naturale come quello umano, che si riferisce sempre ad un pronome personale fittizio come centro di unificazione delle esperienze esistenziali, le percezioni […] non vengono rielaborate, bensì rimangono ad un sapere corporeo, ossia al livello delle sensazioni. L’elaborazione dei dati provenienti dalla sensazione vengono certamente organizzati dal cervello degli animali non umani, ma la differenza è che non c’è un Io che li interpreta.» Ibidem, p. 67.
  10. Meacci recourt d’ailleurs à l’onomatopée pour introduire dans le récit différents cris d’animaux comme «eh-wah eh-wah eh-wah eh-wah» (p. 115) pour le faisan, ou «qwhùu-wuh» (p. 193) pour la chouette.
  11. «Apperbohr grufola e sgrunfia» (p.193).
  12. «Ho capito le cose» (p. 184)
  13. Meacci est cinéphile – en témoignent les diverses références à des films parsemées dans le roman – et a participé à l’écriture de scénarios. Son écriture s’en ressent: elle est très cinématographique. Les différentes séquences narratives du chapitre sont d’ailleurs présentées comme autant de prises de vue de différentes scènes.
  14. Ce n’est qu’après l’attaque, lorsqu’il identifie l’odeur évoquée plus haut comme une odeur de plaisir, qu’il comprend le malentendu et s’éloigne.
  15. «Rvrnn: “cinghiale”/”cinghiali”» (p. 449)
  16. «Whoomf: “fame”. Ma si usa lo stesso termine anche per tradurre “bisogno”/”necessità” ecc.» (p.449)
  17. «Heggrwilhl: “dolore” (di quando un rvrrn viene colpito, ferito, sanguina ecc.; è lo stato di non-normalità per i rvrrn).» (p. 447)
  18. Par exemple le mot «cinghiale» dérive du mot «cinghia», qui désigne le collier de soies que l’animal possède autour du cou, agglutiné avec le mot latin «singularis», qui décrit le caractère solitaire de l’animal.https://www.treccani.it/vocabolario/cinghiale/ [consulté le 30 avril 2024]
  19. Voir Eleonora Adorni, Bestia, in F. Cimatti, L. Caffo (dir.), A come animale. Voci per un bestiario dei sentimenti, Milano, Bompiani, 2015, pp. 33-34.
  20. «Le carte [recto 231 – verso 231 – r245 – v247 – r248 – r367 del Vat. Lat. cig. 1311bis aut singularis Senensis 19.94.oo ter] riguardano il colloquio avuto tra i due rvrrn corsignanesi […]» (pp. 217-218); «Per lo studio delle situazioni dinamiche e – per così dire – collettive di riunione alla Radura dei Graar-ar e in alter zone dei Boschi tra Corsignano e Budo, cfr Elvira De Matteis […] in ead., “Modalità comportamentali e specializzazioni di ruolo nei “Comizi della Radura””, in Linguistica Dinamica, III (2011), pp. 56-178, p. 89» (p. 219).
  21. Sur l’histoire et la définition du concept d’interlangue, voir Mariana-Diana Câşlaru, Elena Mihaela Andrei, L’interlangue – système en soi (?), in “Romanica Cracoviensia”, N° 2, 2016, pp. 57–64.
  22. Nicola Zengiaro, L’animalità e il pensiero sulla diversità: i fragili contorni dell’umano, cit., p. 12.
  23. Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard, 1993, 5.6. Cité d’après l’édition digitale disponible sur le site “The Ludwig Wittgenstein Project”:https://www.wittgensteinproject.org/w/index.php/Tractatus_logico-philosophicus_(français)#top. [consulté le 7 mai 2024]
  24. Voir Nicola Zengiaro, Sentirsi animali. La meta-percezione umana e la pan-percezione animale, cit.
  25. La scène se déroule dans la nuit du 19 au 20 juillet, dont la narration se déroule sur douze chapitres séparés les uns des autres par des chapitres correspondant à des dates différentes.
  26. Eleonora Adorni, Bestia, cit., p.33.
  27. Arnaud Pelletier, Attention et aperception selon Leibniz : aspects cognitifs et éthiques, in “Les Études philosophiques”, vol. 120, no. 1, 2017, p. 111.
  28. Giorgio Vasta a établi un rapport avec l’âne Balthazar du film de Robert Bresson, Au hasard Balthazar (1966), animal dont le regard est pour le réalisateur «il punto di vista tramite cui rivelare l’umano a se stesso». Giorgio Vasta, «Il cinghiale che uccise Liberty Valance» di Giordano Meacci. Apperbohr, la lingua sensoriale dei negletti in “Il Manifesto”, 8 aprile 2016, p. 11.
  29. Jean-Yves Goffi, Qu’est-ce que l’animalité?, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2004, p. 13.
  30. «Da quando l’Alto sulle Zampe nel Sasso luminoso ha detto Ripènsaci, amico. Ripènsaci.[…] Da quando l’Alto sulle Zampe ha detto Ripènsaci, amico. È cambiato tutto. E ora lui deve capire.» (p. 120) À noter que la partie omise correspond à la citation précédente de cette page.

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