Hommes-rapaces, corvides et carcasses: representations zoomorphes de l’angoisse humaine
Mhammed Cherkaoui, Hommes-rapaces, corvides et carcasses: representations zoomorphes de l’angoisse humaine, «Bibliomanie. Letterature, storiografie, semiotiche», 57, no. 10, giugno 2024, doi:10.48276/issn.2280-8833.11422
De l’homme-oiseau représenté, sur les parois de Lascaux, étendu avec une raideur cadavérique devant les cornes mortelles d’un taureau éventré, tandis qu’un rapace perché sur une sagaie épie la scène tragique jusqu’aux installations contemporaines mettant en scène des carcasses animales, en passant par les vanités à l’oiseau de proie fréquentes dans la peinture flamande, le sujet de la condition humaine, envisagé à travers le prisme de la figure de «nos frères inférieurs1», hante depuis toujours l’imagination des artistes et imprègne leurs créations. En effet, il serait fructueux d’étudier l’expression artistique de la condition humaine en se focalisant sur l’angoisse liée à la perspective de la mort, et ce à travers les représentations que subit l’image de l’animal, car, de tout temps, la figure de la bête sert à révéler l’homme, à dire sa condition et ses contradictions. Rappelons qu’en se détachant de l’animalité, l’Homo sapiens, devient, plus que ses prédécesseurs, conscient du tragique de sa condition, si bien qu’«il n’a pas hésité à se représenter dans des situations tragiques, dévoré par un félin par exemple.2» Si, depuis la Paléolithique jusqu’à l’ère numérique, la figure de l’animal est omniprésente dans la production artistique de tous les peuples et les civilisations, derrière la bête, derrière son nom et son image, c’est bien de l’homme dont il s’agit: l’homme, animal cruel qui n’hésite pas à massacrer ses semblables et à détruire son monde, l’homme, animal vulnérable pris dans les serres d’une existence implacable où son sort ne diffère guère de celui de la bête. Souffrant des conséquences d’«un divorce violent avec le passé animal4»
C’est dans cette perspective que notre article tente d’interpréter certaines œuvres évoquant l’angoisse humaine par le truchement de l’animal. En optant pour une approche interdisciplinaire et une démarche comparatiste, notre texte propose une étude de l’expression artistique de la condition de l’homme à travers le recours à la figure animale, en se basant sur l’analyse du contexte socio-culturel et les enjeux esthétiques d’œuvres montrant des hommes zoomorphes dotés de têtes d’oiseaux prédateurs, des représentations de rapaces et de corbeaux et des mises en scène de carcasses animales. Autrement dit, il y sera question de réfléchir sur pourquoi et comment certains artistes usent, dans leurs œuvres, de l’image de l’animal qu’il soit vivant, oiseau carnivore ou nécrophage, ou réduit à l’état de viande, pour portraiturer aussi bien cette cruauté meurtrière qui distingue l’être humain que l’angoisse de la mort inhérente à sa condition.
1. L’homme-rapace
Le monstre constitue une thématique aussi universelle qu’intemporelle et donne lieu à des récits et à des représentations qui ont traversé toutes les époques de l’histoire de l’humanité. Depuis les premières figurations que l’Homo sapiens avait tracées sur les parois de sa grotte montrant des monstres hybrides pour exprimer son effroi devant une nature hostile, l’homme ne cesse de produire des formes monstrueuses, d’ajouter de nouvelles morphologies à celles qu’il perçoit dans la nature, de continuer en quelque sorte la création en opposant au monde réel un autre parallèle, imaginaire, voire un anti-monde matérialisant l’inconnu, tout en révélant le désir de l’homme de domestiquer son angoisse suscitée par la singularité de sa condition en tant qu’ être contradictoire, embarqué dans la mésaventure de la vie pour qu’il soit voué, à sa fin, à la disparition et à l’oubli. Toutefois, si, selon Jean Clair, «les monstres [qui] existent dans la Grèce classique, effrayants, terrifiants, […] sont là pour détruire l’harmonie, ‘la tranquille simplicité et la calme grandeur’5», aujourd’hui, les formes monstrueuses qui habitent notre espace quotidien semblent exprimer le triomphe du désordre et du difforme dans un monde où «la laideur semble avoir pris le pas sur la beauté comme élément d’attraction et de fascination.6» Effectivement, aujourd’hui plus que jamais, les formes monstrueuses hantent l’imaginaire humain. Un constat que Gilbert Lascault affirme dans son ouvrage Le Monstre dans l’art occidental:
«[La forme monstrueuse] […] a une importance particulière dans le monde contemporain ; elle est le lieu privilégié où ce que nous jugeons irrationnel en nous est « projeté » par nous et nous est renvoyé comme par un miroir grossissant ; elle éveille en nous des émotions intenses, variées, complexes, souvent contradictoires ; elle se présente comme énigme et pousse certains sujets à inventer ou à retrouver un système symbolique qui ferait d’elle un cryptogramme.7»
L’image du monstre semble hanter l’art contemporain. Aujourd’hui encore, les expositions des faiseurs de diables, à la manière d’un Bosch ou d’un Breughel, sont de plus en plus nombreuses. Le traitement pictural des maîtres anciens de la figure du monstre, comme combinaison d’éléments humains et animaux, semble répondre à des préoccupations actuelles. En fait, par l’étrangeté saisissante de sa forme et la richesse ambivalente de sa symbolique, le monstre hybride est un sujet récurrent dans l’art de beaucoup d’artistes contemporains interrogeant, dans une perspective existentielle, les limites fragiles entre l’humanité et l’animalité, l’identité et l’altérité.
Dans ses montages photographiques caractérisés par un mélange frappant de réalisme et d’éléments fantastiques, Francesco Sambo, artiste et dessinateur numérique italien, compose des hybrides humains dotés d’attributs animaux, révélant, par allusion, le côté sombre de la nature humaine. Dans l’une de ses compositions intitulée Bestiario, Sambo interroge outre l’ambigüité identitaire de l’être humain, sa cruauté en montrant, sur un fond noir, l’un de ses personnages humains avec une tête menaçante de hibou excité. En fait, beaucoup d’artistes ont mis en œuvre l’expressivité plastique de la figure rapace afin d’évoquer une humanité hostile, à la lisière de la monstruosité. Alfred Kubin est un artiste célèbre pour ses dessins angoissants, explorant fréquemment des thèmes liés à l’inconscient, à la folie et à la dualité de la nature humaine. Influencé par le symbolisme et le surréalisme, Kubin dépeint des paysages inquiétants habités par un bestiaire fantastique traduisant une vision cauchemardesque de l’existence. The Past, l’un des dessins emblématiques du style sobre et sombre de l’artiste autrichien, représente, au sein d’un décor aride, un homme doté d’une tête de vautour aux paupières closes. Oiseau nécrophage, le volatile est considéré, dans beaucoup de cultures, comme un messager de la catastrophe, patrouillant les cieux en attendant son festin macabre. Dans l’œuvre de Kubin, la tête endormie du vautour sur un corps d’homme serait une métaphore du monstre destructeur sommeillant au fond de l’être humain. L’artiste se sert de la bête sauvage pour «renvoyer l’homme à sa bestialité. Même plus, l’animal lui permet de révéler la bestialité refoulée, la bestialité dénaturée car culturelle, qui conduit l’espèce humaine à l’autodestruction.8» Rappelons qu’un grand nombre de peintres surréalistes ont abordé l’image du rapace anthropomorphe pour évoquer la sauvagerie meurtrière d’une humanité dénaturée. Citons, à titre d’exemple, The Present, une peinture de René Magritte représentant, perché au sommet d’une montagne, un aigle vêtu d’une veste kaki. Le bec imposant de l’oiseau emblème de l’Allemagne et ses serres acérés évoquent la menace imminente de la barbarie nazie qui plane sur le monde. En attribuant au rapace une apparence humaine et civilisée, la veste suggère la possibilité de dialogue avec les Nazies. Toutefois, cette impression sera illusoire, car derrière le bel apparat, se dissimule ce que le dramaturge Bertolt Brecht qualifiait de «bête immonde9», en faisant référence au nazisme. Les petites boules disposées à côté des pattes du rapace évoquent les grelots qui ornementent le chapeau d’Arlequin et qui symbolisent l’idiotie dans la tradition carnavalesque. Par leur forme, elles suggèrent aussi des œufs métalliques sur le point d’éclore, laissant présager l’avènement prochain d’autres dictatures militaires, comme le prédit l’horizon teinté en rouge. Le monstre aviaire est également présent dans l’œuvre d’un autre peintre surréaliste et antifasciste, Max Ernst, qui met en scène dans sa peinture L’Ange au Foyer, une créature fantastique à mi-chemin entre l’homme et l’oiseau, si imposante que sa main gauche n’est pas entièrement visible dans le cadre de la représentation. La créature hybride domine l’horizon d’un paysage dépouillé, étendant ses bras et ses jambes dans un bond saisissant. Alors qu’elle saute, son pied gauche, orné d’épines, parait suspendu dans l’air, tandis que son pied droit, chaussé d’un godillot ferré, semble prêt à écraser tout être croisant son chemin. Vraisemblablement, le titre de la toile, L’Ange au Foyer, serait une antiphrase, car le peintre, loin de montrer la figure protectrice de l’ange, met en scène un démon hybride, enragé et ravageur, inspirant la terreur et l’effroi. Peint durant la guerre civile espagnole, le monstre hybride, en piétinant violemment le sol dans une danse macabre, évoque la brutalité fasciste qui s’empare du pays. Dans l’art contemporain, la représentation du rapace, souvent associée à la prédation, évoque généralement la férocité majestueuse, la mort et la destruction. Lorsqu’elle est utilisée dans une perspective de critique politique, l’image de l’oiseau carnivore symbolise les abus de pouvoir ainsi que les conséquences néfastes découlant des quêtes excessives de domination.
L’angoisse de la mort et les douleurs qu’elle provoque, notamment dans les périodes de guerre, serait la thématique centrale de l’œuvre de Miodrag Djuric, artiste d’origine monténégrin connu par sa peinture hautement violente et lugubre, donnant à voir des monstres humanoïdes pourvus de becs de rapace. Dans l’une de ses peintures à la palette dépouillée, Djuric met en scène ses personnages hybrides pétrifiés dans un bleu glacial, où se déploie une ambiance de solitude et de détresse. Suspendus dans le vide au sein d’une scénographie angoissante, les formes spectrales des rapaces anthropomorphes traduisent, dans l’œuvre de Djuric, les affres des conflits armés auxquels le peintre avait assisté quand il était enfant. Ces créatures hétéroclites, empreintes d’une aura éthérée, semblent porter en elles les cicatrices invisibles d’un passé marqué par la terreur et la souffrance. Par leur lugubre allure hallucinante, elles confèrent une forme visuelle aux séquelles psychologiques et émotionnelles engendrées par la brutalité des conflits militaires, mettant ainsi en relief les marques indélébiles que les carnages ont laissées dans la mémoire de l’artiste et dans celle de toute une génération, toujours sous l’emprise des traumatismes incurables de la Seconde Guerre Mondiale.
À l’instar de l’art occidental, la peinture marocaine met à profit la figure de l’homme à tête d’oiseau prédateur pour exprimer l’angoisse de l’être en proie à la cruauté de l’existence. L’image du rapace hybride hante particulièrement l’art d’Abderrahim Iqbi, qui le représente dans des scénographies dérangeantes conjuguant à l’érotisme morbide le mal d’exister et l’effroi de la mort. Effectivement, la peinture d’Iqbi se distingue par son univers inquiétant à la lisière du cauchemar, où humanité et bestialité se confondent pour révéler un monde apocalyptique en train de se désagréger. Dans les compositions du peintre marocain, où se mêlent sexualité débridée et morbidité troublante, le corps féminin paraît se métamorphoser en un monstre aviaire, érotique, nécrophile, fascinant et dégoûtant en même temps, pour incarner l’excès meurtrier, l’interdit enfreint et la sauvagerie bestiale proscrite par la communauté des humains. Le noir, «lieu des extrêmes et des déchirements10»< maculant le fond de toutes les toiles d’Iqbi, fait allusion à l’impossibilité de l’homme de voir ou de discerner dans les ténèbres. Avec leurs yeux écarquillés de nyctalope, les monstres hybrides semblent mettre le regardeur face à sa faillibilité de saisir l’obscurité enveloppant l’énigme de la mort. Rappelons que les représentations monstrueuses sont pour «certains psychanalystes contemporains, [...] une forme d’apprentissage, d’initiation à la mort, une homéopathisation de celle-ci.[efn_note]Michel Maffesoli, Le Réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, La Table Ronde, 2007, p. 82.[/efn_note]» Dans les peintures d’Iqbi, les monstres cauchemardesques dotés, comme précise le peintre, de «tête de hibou11», oiseau nocturne des cimetières associé, dans l’imaginaire arabe, au mal et au maléfice, rappellent les créatures apocalyptiques de Gérôme Bosch, que le peintre flamand montre dans des décors infernaux en train de persécuter des damnés pour symboliser les vices et les péchés qui corrompent l’homme et pervertissent son âme. Par ailleurs, devant les toiles troublantes d’Iqbi, Bernard Collet parle d’une peinture qui sait dévoiler «cette part d’inhumanité dans l’homme qui est le révélateur existentiel du tragique.12» En fait, épuré de tout élément décoratif édulcorant, l’art du peintre expose, sans ambages, la réalité affligeante de l’être humain et de sa condition. À travers la forme monstrueuse, Iqbi peint la catastrophe de l’existence, la détresse du corps se morfondant dans l’interminable attente de la mort et la perdition de l’âme dans les caprices immondes de la vie. D’ailleurs, comme le confirme Gilbert Lascault, le monstre dans l’art «nous renvoie aux angoisses inséparables de notre condition d’êtres vivants, doués d’un corps, sexués.13» Les femmes aviaires aux rondeurs flasques, qui reviennent comme un leitmotiv obsédant dans la peinture d’Iqbi, véhiculent un profond questionnement sur cette humanité désagrégée qui s’éloigne de l’humain pour épouser les formes de la bestialité. Hideux et adipeux, les nus féminins dotés de têtes de rapace cristallisent l’inquiétude de l’homme face à l’inexorable décrépitude de tout ce qui est beau. Rappelons que dans son essai Le Manifeste de la Défiguration, Acuti évoque la graisse comme manifestation matérielle de l’angoisse:
«La graisse est l’élément angoissant du volume concret de la viande, et nous savons que la libido humaine rend l’angoisse anthropomorphe, qu’elle personnifie le volume angoissant, qu’elle transforme le volume angoissant en chair concrète, qu’elle transforme l’angoisse métaphysique en graisse concrète.14»
Dans la peinture d’Iqbi, le grossissement de certaines parties du monstre hybride donne une image désérotisée du corps féminin tout en l’inscrivant, par des procédés esthétiques caricaturaux, dans un registre aussi comique que tragique. Cependant, la défiguration chez Iqbi semble moins critique, cherchant à dénoncer les tares de l’homme à travers la déformation de son corps, qu’esthétique, évoquant, par la beauté sombre de la composition, la lutte risible de l’homme contre la décadence de son corps. En fait, au-delà de toute perspective critique, l’artiste semble aborder le sujet de la finitude de la vie par un mélange subtil de monstruosité et d’humour. D’ailleurs, la peur et le rire sont parfois étroitement liés. Êtres cocasses, porteurs de cet effroi viscéral devant la mort précipitée, les femmes-rapaces d’Iqbi auraient une visée cathartique. Le rire, privilège de l’homme, serait le meilleur remède pour toutes les angoisses. La mort en ferait partie.
2. L’oiseau charognard
Plus que la figure du monstre, la mort est un sujet qui continue de fasciner et d’angoisser les sociétés humaines. Depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, elle est le thème central d’innombrables œuvres artistiques et littéraires. Effectivement, de l’homme-oiseau représenté gisant sur les parois d’une grotte jusqu’aux installations contemporaines exhibant l’exécution des animaux, comme celles, par exemple, d’Adel Abdessemed,15 le sujet de la mort envisagé à travers le prisme de la figure animale hante l’imagination des artistes et imprègne leurs créations. Il paraît qu’en se détachant de l’animalité, l’Homo sapiens, devient, plus que ses prédécesseurs, conscient du tragique de sa condition, si bien qu’«il n’a pas hésité à se représenter dans des situations tragiques, dévoré par un félin par exemple.16» Aujourd’hui encore, l’angoisse devant la mort obsède l’homme en lui rappelant que son sort n’est pas meilleur que celui réservé aux bêtes. Dans l’art, le traitement du sujet de la finitude serait indissociable du traitement du corps humain, appréhendé dans sa réalité animale. Par ailleurs, il faut mentionner que la présence de la mort, du corps humain brutalisé ou de l’animal massacré, a pu être dissimulée ou détournée jusqu’à une période récente, car «depuis la fin du siècle dernier, subitement la mort s’est tue: la mort est devenue dans les sociétés occidentales […] l’obscénité par excellence, le mot que l’on ne doit pas prononcer, la chose que l’on ne peut évoquer.17» Nonobstant, il semble qu’aujourd’hui, la mort effectue un retour en force dans nos sociétés contemporaines, harcelées par des images banalisant la mort dans une époque où toutes les formes de violence font surface. De nos jours, beaucoup d’artistes l’abordent non seulement à travers des métonymies picturales héritées du Moyen Âge, gravitant autour du crâne humain et des vanités terrestres, mais surtout par des métaphores animales mettant en exergue une similitude entre la condition de l’homme et celle de l’animal. En fait, puisque la mort reste dans son essence irreprésentable, car inconnaissable comme expérience ontologique exclusivement individuelle, elle n’est évoquée que transposée dans un mode allégorique. Dans l’art, notamment occidental, la mort est représentée le plus souvent à travers l’image d’un squelette ou d’un crâne, elle prend parfois la forme d’un animal de connotation négative, psychopompe, nocturne ou charognard.
Dans une peinture anonyme remontant au XVIIIème siècle, un artiste montre, sur un fond noir, une chouette, oiseau «associé à la mort […] et gardien des cimetières18», juché sur un crâne qui semble sur le point de se renverser sous le poids de l’animal plantant ses serres, comme s’il s’agissait d’une proie, dans les os de la tête humaine. Si, dans la composition, la chandelle mouchée rappelle la fugacité de la vie et la mouche de viande la décomposition inéluctable du corps, le rapace nocturne renvoie au caractère subit et brutal de la mort. Dans le même sens, on pourrait interpréter la figure du hibou dans l’un des dessins de Bernard Buffet, artiste français dont l’œuvre est caractérisée, outre par des lignes nettes et angulaires créant des formes simplifiées mais expressives, par une palette de teintures sombres, de noir, de gris et de bleu profond, qui renforcent l’atmosphère mélancolique de ses dessins donnant à voir le plus souvent des scènes de solitude, de désespoir et de malaise. Dans son œuvre, La Chouette, Buffet représente, au cœur d’un décor aride, un nu cadavérique étendu sur le sol à la merci d’un énorme hibou qui le surplombe en tournant la tête vers le spectateur comme pour le menacer, par son regard sévère, avant d’attaquer sa proie désarmée. Si, dans cette mise en scène aux accents aussi lugubres qu’énigmatiques, l’artiste recourt à l’image du corps dénudé et émacié pour traduire la vulnérabilité humaine, la présence inquiétante de la figure du rapace, agressive et monstrueuse, renforce la tension sinistre de la composition tout en évoquant la trivialité de l’existence humaine.
Un autre volatile, diabolisé dans bon nombre de cultures humaines, rivalise avec la chouette pour allégoriser la mort. Effectivement, «oiseau noir [..], planant au-dessus des champs de bataille pour se repaître de la chair des cadavres19», le corbeau est associé, plus que la chouette, à l’image de la mort et aux âmes perdues. Charognard avide de cadavres, l’oiseau de mauvais augure20 est presque omniprésent dans toutes les œuvres mettant en scène des corps pendus, où l’oiseau noir est montré perché sur la potence guettant la mort des agonisants. Rappelons qu’afin d’attendrir ses concitoyens sur son sort de prisonnier condamné à la pendaison, François Villon dépeint, dans son poème Ballade des pendus, la figure du corbeau crevant les yeux du poète exécuté. D’ailleurs, dans l’iconographie médiévale consacrée au supplice de la pendaison, l’image de l’oiseau charognard est associée à celle de la potence. Le volatile y est représenté le plus souvent jouxtant les têtes congestionnées des corps suspendus dans le vide. Dans sa vaste fresque illustrant la légende médiévale de Saint-Georges affrontant le dragon, Pisanello montre, dans l’arrière-plan de son œuvre, deux hommes pendus, tandis que l’oiseau charognard juché sur le gibet semble attendre le départ des bourreaux avant d’attaquer les cadavres ballotés par le vent. La potence, le corps pendu et le corbeau affamé forment un triplet présent également dans l’art moderne pour révéler la sauvagerie bestiale des humains. Citons, à titre d’exemple, une gravure d’Albert Besnard représentant, dans une atmosphère funèbre, un homme pendu entouré par un essaim de corbeaux perchés sur une haute potence ou virevoltants autour du cadavre désarmé. Les corvidés deviennent de véritables bourreaux célestes suppliciant des dépouilles humaines pendues dans l’une des gravures de Gustave Doré, où l’artiste français représente, dans une atmosphère apocalyptique, une forêt de potences auxquelles sont suspendus des cadavres dans différentes étapes de décomposition.
Dans l’art contemporain, Vladimir Veličković est considéré comme l’artiste ayant le plus représenté l’oiseau charognard dans ses toiles. Peindre «le tragique, le réel tragique, l’homme tragique, la situation tragique, l’ambiance tragique, en un mot, peindre la catastrophe sous toutes ses formes21» est le dessein de ce peintre d’origine serbe qui se sert d’un bestiaire de la désolation comprenant outre le rat et le chien, l’image du corbeau avide de chair humaine. Dans des compositions sombres qui se démarquent par une rare violence picturale, Veličković met en scène la figure sinistre de l’oiseau noir planant au-dessus de corps humains torturés. Dans l’une de ses peintures intitulée Rapaces, l’artiste s’inspire de la scène de la crucifixion pour mettre en scène, sur un fond imprégné de suie et de fumée, un nu masculin attaqué par des corbeaux dont le «bec de créatine taille [la chair humaine] avec l’efficacité d’une lame de rasoir.22» De tailles imposantes et de formes agressives, les volatiles noirs déchirent le corps crucifié qui, impuissant, subit leurs assauts sans pouvoir résister. Dans la peinture de Veličković, l’oiseau tortionnaire serait l’allégorie de la nature destructrice de l’humanité, incarnant cette cruauté bestiale inhérente à notre espèce et la violence que nous nous infligeons sauvagement les uns aux autres.
Dans l’imaginaire arabe, le corbeau est un oiseau impur, nécrophage maudit et de mauvais augure. D’après le récit coranique, c’est le corbeau qui enseigne au fratricide Caïn comment enterrer le cadavre de son frère Abel. L’oiseau, le seul témoin du meurtre originel, semble porter à jamais son plumage fuligineux comme une sorte de deuil éternel. «Tout peut être chenu sauf les plumes noires du corbeau, car si l’oiseau a supporté de voir l’homme tuer son frère sans que ses plumes blanchissent de l’horreur de la calamité, c’est qu’il ne sera jamais chenu 23»
.Dans l’art marocain, l’allégorisation de la mort à travers la forme aviaire est un procédé esthétique courant. Une des peintures de Mohamed Drissi, dont la facture expressionniste rappelle celle du Cri d’Edvard Munch, montre, en buste, sur un fond noir, un personnage levant ses bras longilignes vers le ciel dans un geste évoquant la prière, alors que sa bouche est ouverte dans un grand hurlement d’angoisse que ses yeux écarquillés et sa tête déformée soulignent davantage. Toutefois, c’est le rapace noir, comme le laisse deviner son bec puissant et son œil impressionnant perché sur la tête de l’homme agité, qui confère à la composition sa dimension sinistre. Glorieusement perché sur la tête humaine terrifiée, l’oiseau au plumage sombre paraît annoncer la mort du personnage. On sait que dans l’un des versets coraniques, le volatile évoque le destin auquel l’homme ne peut jamais échapper, et dans un autre narrant le rêve de l’un des deux prisonniers séquestrés avec Joseph, prophète oniromancien, l’oiseau picorant du pain que le détenu porte sur sa tête est le présage d’une mort horrible, par crucifixion. Encadré par des mains se tordant de douleur sans qu’elles puissent pour autant le chasser, l’oiseau nécrophage serait une représentation de la mort que personne ne peut congédier. Moins violente et moins inquiétante serait une œuvre d’un autre artiste marocain, Hossein Tallal, qui donne à voir, dans un décor en noir et blanc, un portrait de femme portant une coiffure dans laquelle est calfeutré un corbeau dont la noirceur du plumage accentue la lourde tristesse émanant du visage humain exsangue. Peintre des faces pâles, des corps désossés et des êtres morfondus, Tallal «a choisi pour moyen d’expression toutes les teintes de gris d’où se dégagent, comme d’un rêve, des visages marqués de crainte et d’angoisse.24» En fait, à l’opposé de l’œuvre de Drissi, où la facture expressionniste de la composition souligne l’aspect dynamique de la scène, l’oiseau de mauvais augure écrasant la tête humaine sous son poids imprègne la toile de Tallal d’une impression paisible de désespoir résigné face à l’impasse dans laquelle toute vie est inéluctablement engagée. Le silence inquiétant qui emmure les personnages de Tallal évoque l’univers muet de Bouchta El Hayani, auteur marocain d’une œuvre angoissante «sans dimension figurative attractive, et dans laquelle les repères référentiels sont assujettis à des renversements inédits, à d’incessantes transformations d’opacité ou d’effacement.25» À l’instar de Tallal, El Hayani recourt, lui aussi, à l’image de l’oiseau noir afin de traduire une existence lancinante et précaire. Dans l’une de ses toiles, le corbeau s’hypertrophie pour devenir un monstre géant barrant le chemin à un homme nu qui pose ses mains sur ses cuisses dans un geste exprimant une passivité totale devant le charognard déployant violemment ses grandes ailes noires comme pour engloutir le corps humain désarmé. En fait, il paraît qu’à l’instar de l’œuvre de Vladimir Veličković, le corbeau, dans la peinture de Bouchta El Hayani, représenté, de surcroît, imposant et hostile, servirait à dénoncer la cruauté bestiale de la guerre. Toutefois, loin d’exhiber des cadavres déchiquetés et des ruisseaux de sang versé, l’artiste marocain se contente de montrer des trous noirs alignés devant et derrière le nu résigné pour évoquer, par métonymie, les âmes décimées par la rafale, sans tomber dans la monstration banale des corps criblés. La fumée charbonneuse, échappant d’un trou pour rejoindre le corps noir du charognard, fait du corbeau géant une allégorie animale de la guerre ravissant la vie de ses victimes.
Plus que tout autre artiste arabe, l’artiste marocain Karim Attar semble être le peintre qui a le plus représenté l’image du corbeau dans son art. En effet, la figure du corvidé se répète comme un lugubre refrain dans ses compositions mettant en scène des hommes réduits en lambeaux de chair, écorchés et picorés par l’oiseau charognard. Dans l’une de ses peintures, l’artiste montre, séquestré dans un cercle de fil barbelé, un être anthropomorphe déchiqueté, tandis qu’un corbeau plante ses serres dans ses cuisses dépiautées. Représenté telle une ombre noire attaquant sa victime estropiée, le corbeau incarne cet inconnu effrayant sur lequel débouche toute existence humaine. Si, Bouchta El Hayani, pour évoquer l’Homme, peint son personnage de profil afin de dissimuler toute distinction sexuelle, Karim Attar représente son protagoniste doté d’un appendice évoquant, en même temps, le sexe masculin et le sein féminin pour figurer l’homme tourmenté au-delà de la classification et de la hiérarchisation du genre. Par ailleurs, limaciforme et recroquevillé dans un cercle barbelé évoquant la couronne d’épine, le personnage d’Attar fait penser, par sa posture, à un fœtus blotti au sein du ventre maternel. Le corbeau picoreur de chair symboliserait cette souffrance congénitale, attribut inexorable de l’existence humaine. Il incarne la mort comme processus lent et lancinant qui se déclenche simultanément avec le souffle de la vie, et non comme événement rapide et brutal tel que le montrent la plupart des artistes à travers l’image du cheval au grand galop chevauché par un squelette faucheur.
3. La carcasse animale
Plus qu’autre chose, la viande, nourriture du corps et sa matière principale, semble mieux révéler la condition humaine. Le mythe de Prométhée, en expliquant comment le Titan bienfaiteur des hommes a établi le rituel du sacrifice, instaure un ordre du monde où les dieux et les hommes ont leurs places bien définies et interchangeables: nourris de fumée et d’ambroisie, les dieux sont immortels et écartés de tout ce qui est corruptible, en particulier la chair morte des bêtes, tandis que les hommes, carnivores qu’ils sont devenus, sont condamnés à l’animalité prédatrice de leurs corps et de leur dégradation dans la mort, distingués des animaux par ce tout petit privilège qui leur permet de cuire la viande avant de la consommer.
Depuis toujours, les artistes ont essayé de donner à la mort un visage. Déprimé à la fin de sa vie, Francisco de Goya semble l’incarner dans la figure d’un monstre terrifiant dévorant un corps humain. En effet, dans l’une de ses peintures intitulée Saturne dévorant l’un de ses enfants, Goya représente, sur un fond sombre, une scène mythologique montrant le roi des Titans, bouche grande ouverte et yeux exorbités, se livrant à la prédation de l’un des êtres qu’il a fait naître. Attribuer une signification précise à cette œuvre angoissante serait difficile, d’autant plus que sa réalisation est concomitante à de nombreux événements politiques et personnels qui ont marqué la dernière période de la vie de Goya; néanmoins, certains critiques d’art l’ont désignée comme «essentielle à notre compréhension de la condition humaine.26» En effet, en mettant en scène Cronos dévorant l’un de ses fils, dont la tête et une partie du bras gauche ont déjà été consommées, l’œuvre emblématique du peintre espagnol transgresse les conventions traditionnelles en offrant au spectateur une représentation brutale et dérangeante de l’être humain. Elle ôte toute sacralité habituellement associée au corps humain, le réduisant à un morceau de viande entre les mains d’un prédateur implacable. La violence et la brutalité de cette scénographie défient les idéaux de beauté et d’éternité, souvent associés à l’art, pour exposer, à travers le spectacle de la chair saignante, une vision crue et réaliste de la condition humaine. Un siècle plus tard, dans le même style du sublime terrifiant, les actionnistes viennois useront du corps humain saisi dans sa réalité charnelle, en mettant en scène leurs personnages baignant dans des flots de sang jouxtant des cadavres animaux éviscérés. Une performance d’Hermann Nitsch, l’un des fondateurs du mouvement viennois, montre un homme vêtu, à l’instar des autres personnages, d’une toge blanche ensanglantée et attaché à une croix pour être placé, d’une façon symétrique, devant le cadavre d’un bœuf écorché. En fait, la dépouille animale récemment abattue est pour le performer autrichien «une métaphore des cadavres générés par la Seconde Guerre mondiale […] [elle oblige] le spectateur à faire face à la réalité de la mort trop longtemps maintenue sous silence.27» Cependant, il faut mentionner que le cadavre bovin était abordé, bien avant les actionnistes viennois, comme un memento mori dans des natures mortes évoquant la fragilité de la vie devant la cruauté du temps et de la mort. Dans la performance de Nitsch, la mise en scène de l’animal, crucifié derrière l’homme attaché à une croix, semble s’inspirer du Boeuf écorché de Rembrandt, l’une des rares natures mortes de l’artiste néerlandais, où le peintre donne à voir, dans un intérieur opaque, un bœuf abattu, dépiauté et éviscéré, tandis qu’au fond de la composition, une domestique, affleurant sa tête de l’embrasure de la porte, observe la carcasse bovine tel un spectateur de l’autre côté du tableau. Dans cette œuvre dont la palette est réduite à l’essentiel, Rembrandt explore la représentation des textures animales avec minutie. Ayant étudié ce modèle en direct, il le traduit dans des empâtements à l’huile, créant ainsi un effet ambivalent où la viande exposée apparaît à la fois attirante et répugnante. Motif fréquent tant dans la peinture classique que dans la peinture moderne où il est le plus souvent usé comme métaphore de la nature transitoire de la vie, le bœuf écorché de Rembrandt est porteur de significations profondes évoquant des thèmes ontologiques, tels que la brutalité inhérente à l’existence, la dégénérescence des êtres et la vanité de la condition humaine. L’animal abattu dans la peinture de Rembrandt a profondément marqué Chaïm Soutine, si bien que ce dernier, fasciné par la représentation de la viande écorchée, achète la carcasse d’un bœuf et la reproduit presque fidèlement dans une composition similaire, mais avec une palette plus expressive aux accents violents. Grâce à son style expressionniste, le peintre biélorusse capture avec une intensité saisissante la chair de la bête, révélant ses muscles et ses os dans une composition tourmentée où la beauté se conjugue au chaos. Quoique la représentation dépeigne un sujet inanimé, les coups de pinceau de Soutine, nerveux et tourbillonnants, créent une sensation de mouvement qui confère à la dépouille animale une énergie palpitante. Par ailleurs, les gouttes de sang dégoulinant du cou bovin décapité montrent le bœuf dans un état transitoire entre l’être vivant et le morceau de viande inerte, confondant ainsi, dans de larges touches rouges exaltées par la luminosité du reflet, la réalité de la vie et celle de la mort.
Dans une optique évoquant la souffrance existentielle à laquelle l’être humain est inéluctablement voué, Francis Bacon recourt à l’image de la viande. Motif central de sa peinture, l’artiste irlandais utilise la chair comme un élément plastique aussi troublant que provocateur attribuant une dimension de cruauté et de réalisme brut à ses compositions. Par ailleurs, dans l’histoire de l’art, Bacon est largement considéré comme le peintre le plus hanté par la chair, si bien qu’on n’a pas besoin d’opter pour une œuvre précise pour aborder sa présence dans son art. Montrant un intérêt obsessionnel pour la représentation de la viande, l’artiste n’hésite pas à l’explorer dans des mises en scène bouleversantes afin d’exprimer les tragédies de la vie. Rappelons que dans son interview avec David Sylvestre, le peintre des corps torturés révèle que, selon lui, l’humanité partage une essence similaire à celle des animaux abattus:
«J’ai toujours été très touché, dit clairement Bacon, par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu’est la Crucifixion… C’est sûr, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l’animal.28»
Dans sa peinture, située parfois à la lisière du soutenable, Bacon puise son inspiration dans la vie quotidienne, mais en la métamorphosant en visions cauchemardesques qui prennent forme à travers des visages déformés, des corps contorsionnés et des lambeaux de chair malaxés. En fait, dans ses compositions fusionnant des éléments figuratifs avec des formes abstraites, l’artiste introduit l’image de la viande pour créer un langage pictural puissant, susceptible de saisir des thèmes inquiétants, tels que la violence, la douleur, la sexualité et la mort. Comme si elle était animée par des pulsions violentes et incontrôlables, la viande, dans la peinture de Bacon, est exhibée, crucifiée, recroquevillée ou triturée pour dire une angoisse lancinante que seule la chair congestionnée pourrait exprimer. Dans Francis Bacon. Logique de la sensation, Gilles Deleuze évoque une association entre le corps, la viande, l’esprit et le devenir-animal:
«La viande n’est pas une chair morte, elle a gardé toutes les souffrances et pris sur soi toutes les couleurs de la chair vive. Tant de douleur convulsive et de vulnérabilité, mais aussi d’invention charmante, de couleur et d’acrobatie [..]. La viande est la zone commune de l’homme et de la bête, leur zone d’indiscernabilité, elle est ce fait cet état même où le peintre s’identifie aux objets de son horreur ou de sa compassion.29»
Représenter le corps carnifié semble figurer aussi parmi les préoccupations principales de l’artiste chinois, Lui Bolin, qui, dans l’une de ses performances, se photographie dissimulé au milieu des carcasses bovines écorchées et suspendues, par des crochets à viande, au plafond d’une boucherie. Artiste activiste et contestataire, Bolin est célèbre par son approche artistique singulière interrogeant la relation entre l’homme et son environnement. Si, dans ses œuvres photographiques, le performer chinois se prend en photo camouflé dans des décos urbains pour évoquer aussi bien la marginalisation que l’effacement identitaire dont souffre l’individu dans certaines sociétés oppressives, dans cette œuvre, issue elle aussi de sa série photographique Hide in the city, Bolin aborde, en plus des thématiques liées à l’exploitation animale, la brutalité de la condition de l’homme. Par ailleurs, en fondant son corps au sein de carcasses bovines ensanglantées, l’artiste chinois nous propose une image angoissante exposant l’homme en tant qu’être oscillant entre les attributs civilisés de l’humanité et les instincts sauvages de la bestialité, être à la fois prédateur sanguinaire et victime innocente. Montrer le corps humain comme prolongement du cadavre animal est un motif pictural présent aussi dans l’œuvre de Fabio Magalhaes, artiste brésilien célèbre par ses toiles aux dimensions importantes représentant des corps humains emballés dans des sacs de plastique transparent, comme ceux réservés à protéger et à exposer la viande dans les supermarchés. Dans sa série O Grande Corpo, Magalhaes se portraiture, avec une précision photographique, dans des postures choquantes mettant en scène son corps nu jouxtant des viscères et des carcasses animales. Dans l’une de ses toiles, sur un fond blanc, le peintre se donne à voir comme un être hybride pourvu d’un arrière-train de bovidé. Il s’y est représenté gisant sur le dos, torse nu tandis que sa partie inférieure d’animal est écorchée pour être attachée, avec des cordes, dans une position qui rappelle celle infligée aux bêtes pour faciliter leur dépouillement. Dans cette scène troublante, l’arrière-train dépiauté, se prolongeant du tronc humain avec une étrange harmonie, est isolé dans un espace immaculé. Il est dénué de tout élément superflu pour mieux focaliser le regard du spectateur sur la carcasse composite, où chaque muscle est rendu avec une précision chirurgicale, chaque contour est ciselé avec une minutie obsessionnelle accusant une symbiose macabre de formes et de textures. Guidée par une virtuosité technique et une vision sombre de l’existence, la peinture de Magalhaes transcende l’anecdotique, démantèle le factuel afin de révéler, avec une clarté saisissante, les aspects inquiétants de la nature humaine.
Dans la photographie marocaine, Touhami Ennadre serait l’artiste qui a le plus exploré l’image de la viande pour exprimer la souffrance humaine. Fils d’un père boucher devenu aveugle à cause d’un accident, l’artiste semble entretenir une relation obsessionnelle avec le noir qu’il sculpte dans ses œuvres pour raconter sa douleur due à la mort de sa mère, événement qui devient inextricablement lié à sa carrière de photographe. Effectivement, ayant appris qu’elle souffre d’une maladie mortelle, Ennadre réagit en photographiant ses jours comptés. Il immortalise sa mémoire par la photographie. La première série exposée par l’artiste, intitulée Les Mains, le Dos, les Pieds, vient justement des photos qu’il a prises pendant l’enterrement de sa mère, où il ne cadre que des mains dans des postures exprimant l’affliction de la manière la plus condensée. Une affliction lancinante qui imprègne à jamais toute son œuvre, comme l’exprime le photographe lui-même:
«J’ai toujours été escorté par mon passé, ma solitude et ce que j’ai vécu. C’est idiot, mais je ne peux pas parler de mon travail sans parler de ma mère, parce que je viens de quelqu’un. J’ai été le témoin de sa vie, et mon œuvre est simplement un témoignage sur cette personne que j’ai connue.30»
Dans l’une de ses œuvres consacrées à la thématique de la boucherie, l’artiste donne à voir, en blanc et noir, un bovidé écorché et suspendu par ses pattes arrière. La posture de l’animal rappelle l’homme hybride dépiauté dans la peinture de Fabio Magalhaes. Toutefois, beaucoup plus suggestive, l’œuvre de l’artiste marocain évoque le corps humain sans le représenter vraiment. Effectivement, par un jeu savant d’ombre et de lumière, la dépouille, qui reste liée à l’avant-train de l’animal, a l’allure d’un torse humain adipeux dont les bras entourent une tête décapitée par le noir. Dans une autre œuvre de la même série, La Boucherie, l’artiste photographie un homme transportant sur son épaule un quartier de bœuf. De l’homme, l’artiste ne montre que le bras nu et la main portant la carcasse animale, créant ainsi une analogie visuelle entre les membres humains et le cadavre animal. En voilant de noir les parties du corps humain qui expriment le mouvement et l’identité, les pieds et le visage, l’artiste semble gommer les frontières entre l’homme vivant et la bête écorchée et dépecée, si bien que la viande animale et la chair humaine deviennent un seul bloc indistinct.
L’homme fusionné avec la dépouille animale dans l’œuvre d’Ennadre fait penser à l’art de Zhang Huan, l’un des artistes contemporains chinois les plus éminents, dont le travail, qui s’étend sur une gamme variée de médiums y compris la performance, la sculpture, la peinture et la photographie, se distingue par l’insertion du corps humain dans des mises en scène inquiétantes. Dans son œuvre, ½ Meat and Text, l’artiste use de son propre corps en tant que vecteur d’une expression artistique imprégnée d’une forte charge symbolique interrogeant la complexité de la corporalité humaine. En effet, dans cette mise en scène qui semble dépasser les frontières traditionnelles de l’art, Huan se photographie torse nu et peau couverte de calligraphie mandarine. Les côtes d’une carcasse décharnée enveloppent son corps tel un manteau d’os dissimulant et dévoilant en même temps la silhouette du performer. Il faut mentionner que dans la grande majorité de ses œuvres, l’artiste chinois recourt à des éléments organiques, comme les cendres, le sang et la peau, afin d’explorer des thèmes relatifs à la métamorphose des corps et aux liens entre le matériel et le spirituel. Au-delà de ces connotations métaphysiques en résonnance avec la culture chinoise évoquant la nature transitoire de l’être humain, ½ Meat and Text, par sa représentation du corps vivant revêtant une carcasse inerte, révèle la véritable essence de l’homme : une enveloppe charnelle, animale et éphémère, dissimulée derrière des discours anthropocentriques auxquels renvoie l’écriture tracée en encre noire sur la peau de l’artiste. Cependant, à la violence visuelle frontale qui se dégage de l’œuvre en couleur de l’artiste chinois, répond une poétisation sublimant le sujet représenté dans la photographie monochrome de l’artiste marocain, Touhami Ennadre. Si les couleurs trahissent, le plus souvent, l’époque de la prise en photo, leur absence confère à la scène exposée une certaine intemporalité, comme en témoigne une autre œuvre issue de la même série de La Boucherie, où le photographe marocain montre un portefaix, peau luisante de sueur et de sang, transportant, sur son dos échiné, une lourde tête coupée de bovidé. L’obscurité intense qui enveloppe le corps de l’homme et la tête de la bête accentue les reliefs de leurs formes en donnant à l’œuvre l’aspect d’une sculpture taillée dans le noir. Dirigé vers le spectateur, le regard vitreux de l’animal abattu confère à la composition une allure troublante, comme si la tête décapitée prenait le regardeur en témoin de la barbarie de l’homme et de la cruauté de la vie. Toutefois, au-delà de la violence qui émane de la tête immolée que le porteur tient en équilibre sur son dos, le chef de l’homme calant le front du bovidé, comme dans un geste de consolation, prête à la composition une douceur tragique suggérant l’égalité de l’homme et de l’animal devant la mort.
Plus que le bœuf, l’agneau, animal emblématique de l’innocence et de la vulnérabilité, est représenté dans d’innombrables œuvres évoquant la fragilité de l’homme désarmé devant la cruauté du destin. Des natures mortes médiévales aux installations contemporaines, le cadavre ovin est mis en scène dans des postures pathétiques insinuant le drame de la condition humaine. Loin d’évoquer le destin culinaire de l’animal, comme le suggèrent beaucoup de peintures aguichantes, la toile de Francisco de Goya, Nature morte avec des côtes et une tête d’agneau, représente d’une manière réaliste une scène de boucherie mettant en avant, sur un fond sombre, le corps d’un agneau dépecé. Dans cette composition dépouillée, les côtes et la tête ovines sont disposées de manière à occuper tout l’espace central de la toile, où une vive lumière en mettant en relief les détails des lambeaux exposés, instaure une atmosphère angoissante. Il faut signaler qu’à l’opposé des autres genres picturaux, tels que le portrait, la scène de genre et la peinture d’histoire, la nature morte n’était guère récurrente dans l’art de Goya qui ne semble entreprendre sa série de natures mortes que durant la guerre d’indépendance espagnole. Loin du style rococo, reconnaissable par ses ornements extravagants et ses teintes tendres créant une ambiance douce et légère, La Nature morte avec des côtes et une tête d’agneau, distinguée par ses coups de pinceau épais et sa palette de couleurs crues, expose la viande animale d’une manière saisissante mettant en avant sa texture dense et sa présence brute. La disposition de l’animal dépecé rappelle celle des personnages de Los Desastres de la Guerra, série de gravures où l’artiste espagnol illustre la barbarie des conflits armés par des corps humains sauvagement découpés. En effet, dépeint d’une manière franche et cruelle, le corps morcelé de l’agneau fait référence aux tragédies de la guerre, à la barbarie de ses acteurs et à l’innocence de ses victimes. Il pourrait être interprété également comme une métaphore de l’injustice de la mort et de la cruauté du destin qui s’abat sur les êtres fragiles.
D’une métaphore de l’atrocité des conflits armés, le cadavre ovin devient, dans une installation de l’artiste britannique Damien Hirst, God Alone Knows, l’incarnation d’un supplice humain perpétuel. Connu par ses œuvres mettant en scène des objets du quotidien, des médicaments et des matériaux inattendus, transfigurant des éléments banals en pièces d’art provocatrices, Hirst est principalement célèbre pour son approche artistique déconcertante qui trouverait son origine dans une expérience antérieure de l’artiste en tant qu’ancien employé de morgue. Effectivement, dans bon nombre de ses installations, l’artiste n’hésite pas à exposer des cadavres d’animaux dans des scénographies frappantes remettant en question les liens entre la beauté et la laideur, la vie et la mort, la douleur et l’apaisement. Dans God Alone Knows, l’artiste s’inspire de l’iconographie chrétienne en montrant, dans des aquariums de formol, des cadavres de moutons dépouillés et éviscérés mis en scène dans des postures anthropomorphes rappelant la crucifixion de Jésus. En contrecarrant le processus normal de la mort qui décompose le cadavre et le réduit à un amas de poussière, l’artiste paraît éterniser, non seulement l’existence du corps ovin submergé écorché dans du formol, mais également son calvaire dans une esthétique du beau macabre exhibant une souffrance paroxystique figée dans l’éternité de la mort.
L’agneau, archétype «de la victime propitiatoire […] qu’il faut sacrifier pour assurer son propre salut31», est présent aussi dans l’art marocain où le corps de l’animal, éventré et écorché, incarne plus la condition de l’être humain injustement condamné à la souffrance et à la mort qu’une simple illustration d’un rite religieux que les musulmans observent pendant la Fête du Sacrifice. Dans l’art pictural, l’œuvre de Soukaina Joual est singulièrement imprégnée par l’iconographie de la boucherie. En s’inspirant «de la beauté de la viande, de la texture de la chair, de ses superbes couleurs, des os et des organes32», l’artiste développe un langage pictural hyperréaliste véhiculant «une réminiscence de l’horreur et de la violence de la vie.33» Dans l’une de ses toiles, Joual représente, suspendues à un crochet de boucher, deux têtes dépiautées évoquant, par leur forme celle d’un ovin. En traduisant, à travers des chefs écorchés et écornés, le passage du corps identifiable à la viande défigurée, la peinture de Joual déclencherait cette «fascination, spontanée, inexpliquée [et] inexplicable34», qu’exerce la chair crue sur l’œil du regardeur, surtout quand elle est savamment étalée sur les comptoirs des boucheries ou suspendue à ses crochets, comme la décrit, dans Le Ventre de Paris, Claude Lantier, personnage zolien qui sera plus tard le peintre de L’Œuvre, en exposant son «chef-d’œuvre […] barbare et super35», composé par de la viande sur l’étalage d’une charcuterie pour les fêtes de Noël. Si, dans la plupart des vanités, la représentation de la tête animale décapitée est euphémisée par l’emploi des tonalités livides et des cadrages larges, dans l’œuvre de l’artiste marocaine, le sang, dégoulinant des têtes montrées avec une exactitude minutieuse occupant presque la totalité de l’espace pictural, inscrit la composition dans une esthétique de la crudité pathétique. Emblème de l’innocence et de la vulnérabilité, l’animal de rente, brutalement décorné et dépiauté, évoque, dans la peinture de Joual, la fragilité pitoyable de l’homme devant la cruauté de la mort.
Dans une perceptive qui rappelle celle d’un Francis Bacon ou d’un Damien Hirst, un autre artiste marocain, Mohamed Abouelouakar, recourt à la symbolique de la carcasse ovine pour traiter des sujets d’ordre existentiel tels que le mal-être, l’éphémérité de la vie et l’angoisse du néant. En fait, «la vie et l’œuvre de l’artiste sont une ardente méditation sur le sens de la vie et de la mort, sur le destin de l’homme, livré, par éclats, à travers une œuvre composite, qui ne cesse de grandir, de se concentrer.36» Dans son Autoportrait, l’artiste montre, dans un décor qui rappelle un intérieur marocain, un cadavre de mouton dépouillé pour être attaché, par ses pattes de derrière cassées en deux, à des crochets de boucherie, tandis que de sa gorge ouverte coule un ruisselet de sang. Les couteaux perçant l’abdomen de l’ovin dans un geste qui traduit le mouvement itératif du poignard déchirant le ventre de l’animal, faisant ainsi surgir ses viscères devant deux grosses mains prêtes à les arracher, inscrivent la toile dans une scénographie de l’épouvantable que le geste des mains ensanglantées embobinant les intestins animaux accentue davantage. Plus qu’une scène illustrant le rituel du sacrifice du mouton, son dépouillement et son évidement pendant la Grande Fête, la toile serait une métaphore d’un insoutenable supplice. Le regard humain de l’animal, le tissu blanc maculé de son sang suggérant un drap mortuaire cloué en arrière-plan, et surtout le titre de la toile, Autoportrait, semblent évoquer une tragédie humaine incarnée par la carcasse animale. Rappelons que Francis Bacon s’est photographié torse nu, entouré de deux quartiers de viande pour exprimer sa vision tragique de sa propre existence, tandis que le photographe marocain, Touhami Ennadre, a cliché son autoportrait en projetant le contour imaginaire de sa figure sur un fond de viande. Il semble que dans le summum de la souffrance, dans la mort, les frontières entre l’animal et l’humain s’estompent. Un constat que Deleuze exprime sans ambages : «L’homme qui souffre est une bête, la bête qui souffre est un homme.37»
Le thème de l’angoisse humaine face à la fragilité de l’existence est au cœur des préoccupations artistiques de bon nombre d’auteurs venant d’horizons culturels et artistiques différents. Issus de pays divers à travers le monde, ces artistes recourent aux images de l’homme-rapace, du corvidé et de la carcasse pour donner corps à cette brutalité inhérente à la condition humaine. Par sa composition hybride inquiétante, l’homme à tête d’oiseau carnivore évoque un être nécrophile incarnant, dans les œuvres étudiées, l’interdit transgressé et la sauvagerie bestiale, notamment celle qui se manifeste durant les conflits armés. Outre la figure cauchemardesque du monstre composite, certains artistes introduisent l’image du rapace nocturne dans des natures mortes, jouxtant des crânes décharnés, ou dans des scénographies funèbres, dominant des nus désarmés. Dans ces mises en scène inquiétantes, la figure menaçante de la chouette serait une métaphore aviaire de la cruauté de l’existence. L’angoisse de l’être humain confronté à la brutalité de son destin est évoquée également à travers des peintures sinistres, où l’image du corbeau avide de chair est omniprésente. Représenté agressif et imposant, surplombant ou déchirant des corps humains vulnérables, l’oiseau de mauvais augure incarne, en plus de la cruauté de la mort qui s’abat subitement et sans merci sur les hommes, la sauvagerie de la guerre. L’angoisse humaine est exprimée également dans certaines œuvres qui se servent de la viande animale pour appréhender l’être humain dans sa matérialité charnelle. Effectivement, dans quelques-unes des compositions abordées, certains artistes créent une analogie visuelle entre les membres humains et le cadavre bovin, si bien que la dépouille de l’animal revêt un aspect humain supplicié. L’esthétique de la crudité pathétique est présente aussi dans des œuvres usant de la carcasse ovine tel un memento mori illustrant la fragilité de la vie, ou encore comme portrait psychologique cristallisant le martyre de l’âme angoissée.
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Note
- Selon l’expression de François d’Assise cité par Janick Auberger et Peter Keating, Histoire humaine des animaux de l’Antiquité à nos jours, Paris, Ellipses, 2009, p. 10.
- Alain Rodrigue, L’Art rupestre du Haut Atlas marocain, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 56.
- Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, Paris, Éditions Fernand Nathan, 1981, p. 136.orale, «l’animal malade […], l’insatisfait, l’insatiable.3Ibidem, p. 168.
- Cité par Julie Clarini, Jean Clair: «Les monstres ont triomphé des dieux», [en ligne].http://www.lemonde.fr, consulté le 10/04/2024.
- J. Clarini, ibidem.
- Gilbert Lascault, Le Monstre dans l’art occidental, Paris, Klincksieck, 2004, p. 95.
- Daniel S. Larangé, L’Animal, l’homme et le monstre dans l’univers onirique d’Alfred Kubin, [en ligne]. www.cairn.info , consulté le 10/04/2024.
- Voir l’épilogue de sa pièce La Résistible Ascension d’Arturo Ui, Paris, Editions L’Arche, 1961.
- ACUTI, Les Défiguratifs ou le Monstre dans l’Art. Le Manifeste de la Défiguration, Arles, Editions L’Art-Dit, 2010, p. 30.
- Propos recueillis lors de notre entretien avec l’artiste dans son atelier à Marrakech en novembre 2015.
- Bernard Collet, L’obsession du regard, in Catalogue de Matisse Art Gallery, 2012, p. 7.
- G. Lascault, Le Monstre dans l’art occidental, cit., p. 248.
- ACUTI, Le Manifeste de la Défiguration, cit., p. 200.
- Citons, à titre d’exemple, ses deux œuvres: Don’t trust me qui montre des animaux abattus à coups de masse, et Printemps qui met en scène des poulets brulés vifs.
- A. Rodrigue, L’Art rupestre du Haut Atlas marocain, cit., p. 56.
- Louis Vincent Thomas, Problèmes de la mort aujourd’hui, in La Mort aujourd’hui, Paris, Anthropos, 1977, p.17.
- Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Paris, Robert Laffont S.A. et éd. Jupiter, 1982.
- Ibidem.
- Dans Les Animaux célèbres, Michel Pastoureau justifie l’image négative du corbeau par le fait que l’oiseau «avait préféré dévorer la chair des cadavres plutôt que de venir annoncer la bonne nouvelle, [il] fut maudit et devint pour les Hébreux un oiseau impur et mortifère». Michel Pastoureau, Les Animaux célèbres, Paris, Arléa, coll. Arléa-Poche, N° 131, 2001, p. 29.
- Michel Onfray, Splendeur de la catastrophe. La Peinture de Vladimir Veličković, Paris, Editions Galilée, 2007, p. 19.
- Ibidem, p. 57.
- C’est nous qui traduisons de l’arabe : يشيب على الارض كل شيء باستثناء ريش الغراب. من رأى ما رأيناه واحتمل لا يشيب بعد ذلك ابدا…كمخلوق كنت شاهد الاثبات الوحيد » «.في اول جريمة قتل ترتكب على الأرض . احمد بهجت، قصص الحيوان في القران، دار الشروق، بيروت، 1983، ص. 16
- Raoul Sain Martial, Le Reflet du tragique de notre époque, in Tallal. Au-delà de l’œuvre, La Galerie 38, 2012, p. 23.
- Abderrahman Tenkoul, Un nouveau tournant dans la peinture marocaine, in Bouchta El Hayani, Retour aux sources, La Galerie 38, 2012, p. 58.
- «Of all the pictures in the cycle, Saturn Devouring One of His Sons has proved the most essential for our understanding of the human condition.» Fred Licht, Goya: The Origins of the Modern Temper in Art, Icon Editions, 1983, p. 167.
- Benedicte Maselli, Analyse critique et enjeux théoriques du Théâtre des Orgies et des Mystères d’Hermann Nitsch: de 1957 à nos jours, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Marc Poinsot, Université Rennes II, 2018, p. 130.
- Cité par David Sylvestre, Entretien avec Francis Bacon, Paris, Flammarion, 2013, p. 52.
- Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, Paris, Éditions de la Différence, coll. La Vue le texte, 1980, pp. 20-21.
- Cité par François Aubral, Touhami Ennadre. Lumière Noire, Editions Prestel, Munchen & New York,1999, pp. 4-5.
- J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles..., cit.
- Brahim Zarkani, Soukaina Joual: « À L’intérieur se cache l’indicible», [en ligne]. http://albayane.press.ma, consulté le 10/04/2024.
- Ibidem.
- Mohamed Nedali, Morceaux de choix. Les amours d’un apprenti boucher, Casablanca, Le Fennec, 2003, p. 13.
- Émile Zola, Le Ventre de Paris, Paris, Editions Eugène Fasquelle, 1927, p. 242.
- Nicole De Pontcharra, Abouelouakar: voyage sur un chemin de crête, in Abouelouakar. Echelles, Galerie Shart, 2009, p. 9.
- G. Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, cit., p. 21.
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