Pierre Oster, Hommage a Max Jacob
Adriano Marchetti, Pierre Oster, Hommage a Max Jacob, «Bibliomanie. Letterature, storiografie, semiotiche», 33, no. 20, maggio/agosto 2013
Pierre Oster, né en 1933 à Nogent-sur-Marne, poète et auteur des notes qui conçoit la langue comme l’unité profonde de la poésie et de la pensée, est pris dans l’entre-deux d’un travail infini à travers les fragments du langage et d’une vocation au chant de l’univers. Il publie en 1954 son premier recueil Premier poème au Mercure de France, et Quatre Quatrains gnomiques dans La Nouvelle Revue Française. Pour Le Champ de mai, qui paraît l’année suivante dans la collection « Métamorphose », dirigée par Jean Paulhan, il reçoit le prix Fénéon qui récompense « un jeune écrivain dans une situation modeste, afin de l’aider à poursuivre sa formation littéraire ou artistique ». Il succède ainsi à Claude Roy, Alain Robbe-Grillet, Michel Vinaver ou Miche Cournot. En 1958, il est aux armées, en Algérie, quand on lui attribue le Prix Max Jacob pour Solitude de la lumière (Gallimard, 1957). En 1961, il rencontre Saint-John Perse par le truchement de Jean Paulhan. Une profonde amitié lie les deux écrivains. En 1965, Paulhan le charge de superviser l’édition de Honneur à Saint-John Perse, monumental volume d’hommages qui marquera la première pierre du rapport éditorial et critique au poète.
Aux éditions Tchou, Pierre Oster édite, avec Jean-Claude Zylberstein, les œuvres complètes de Jean Paulhan. Il fait partie du comité de lecture des éditions du Seuil jusqu’en 1995. Son œuvre personnelle a déjà fait l’objet de plusieurs séminaires de recherche au rang desquels nous retiendrons deux colloques : celui de 1992, Pierre Oster. Poétique et Poésie, qui lui fut consacré par le Centre de recherches sur la poésie contemporaine de Pau (Université de Pau, 1994, dir. Y.-Alain Favre) et celui de 2007, Omaggio a Pierre Oster, organisé à Florence par L’Institut Français et La Fondazione Fiore. Il suscite également la recherche et a codirigé, par exemple, la décade Ponge à Cérisy-la-Salle. Henri Mitterand le reconnaît comme un des « artistes les plus honnêtes, les plus inspirés et les plus libres » de notre époque quand paraît dans la collection « Poésie », chez Gallimard (2000), Paysage du Tout 1951-2000, qui constitue, jusqu’ici, le choix anthologique le plus significatif de son œuvre dont il a livré, depuis, deux nouveau recueils : Pratique de l’éloge (Gallimard, 2009) et Utinam varietur (Gourcuff Gradenigo, 2012).
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PIERRE OSTER
Épitaphes
La sentence est immémoriale. L’inclure dans un chant bref. Laisser les éléments la traduire ensuite par des enchaînements d’ellipses.
Certains mots se fondent à la masse des nuages, imitent l’ascension de la sève, se rapprochent du vol des oiseaux. Mots presque sans substance dans les tourments de la plus âpre tristesse.
Il est injuste de m’imputer à crime mon indifférence à ce qui s’évanouit. Des plus injuste et des plus juste.
M’identifier, m’intégrer, me plaire au feu d’une métaphore ? À la grandeur d’une monosémie qui nous sauverait ?
L’abîme se trouve à notre portée ; il traverse l’empire que borde le contour familier des branches.
Tirer du vieil écheveau le brin de laine le plus court. Que le drame perdure en sa simplicité nodale !
Le secret se loge dans une phrase ordinaire et dans la fulguration de l’explicite.
Les fleurs ne nous comblent pas. Pourtant nous demeurons investis de l’autorité des fils du sol.
[…] Sisyphes originaires de bien des ailleurs et roulant des blocs comparables […]
Le mur en ruine te fournit le modèle d’une composition chargée de mélancolie.
Comme une conjonction à venir. Comme la découverte d’une ductilité intense, l’amorce d’une fusion orphique.
Des expériences trop courtes interdisent de rebâtir le temple que la poésie réclame.
Rien ne vaut en dehors des exploits de folie où la pauvreté excelle.
Nous balançons sans cause entre un destin fragile et les hauts faits de la sensibilité d’autrui.
Observer enfin les termes du contrat qu’il te faudra suspendre.
Les « toutes proches », les « très lointaines ». C’est ainsi que l’on devrait désigner les belles étoiles vers lesquelles nous ouvrons les yeux. Risquons-nous de nous trouver à notre tour comme inhabités ?
Le texte n’est pas fautif. Tu as bien raison de vouloir redessiner le parafe illisible.
L’humanité parmi les arbres fait énigme et chez les ouvriers du rien. Pourquoi nous tenir debout au milieu de tels compagnons ?
Voici peut-être l’endroit où Dieu dans sa modestie nous arrête.
L’unité du nid te donne d’être vigilant parmi les brindilles.
Une tâche, une obligation ; et, en même temps, une certaine façon comme quotidienne et non pas tragique d’enrichir le caractère défectif du verbe universel […].
Si je m’applique à reconquérir une présence, on m’interdit de l’adorer. Comment circonscrire ma place derrière l’autel absolu ?
Ne te dissimule, ne t’abaisse ou ne t’éloigne pas davantage. L’invisible est invincible.
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